Interruption du délai décennal : l’expertise judiciaire interrompt la prescription.
Interruption du délai de prescription : le délai décennal est interrompu, et non pas suspendu, par la demande d’expertise judiciaire (3ème Civ, 4 octobre 2018, n° 17-23993).
Un couple avait confié la pose de carrelage à une société. Suite à l’apparition de désordres, les maîtres d’ouvrage ont assigné l’entreprise et son assureur tout d’abord en référé expertise, puis au fond aux fins d’indemnisation.
L’arrêt d’appel a déclaré irrecevable comme étant prescrite, l’action introduite par les maîtres d’ouvrage, au visa de l’article 1792-4-3 du Code Civil aux termes duquel l’action en responsabilité contractuelle doit, pour être recevable, avoir été engagée dans un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
Cette décision a également été rendue au visa de l’article 2239 du Code Civil qui dispose que :
La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
En application de cet article, la Cour d’Appel avait estimé que le délai de prescription de l’action avait été suspendu le jour de l’ordonnance ayant fait droit à la demande d’expertise judiciaire, et n’avait recommencé à courir qu’à compter du dépôt du rapport de l’expert.
Il importe de rappeler que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
Forts de cette position, les Juges d’appel avaient constaté que l’assignation au fond n’avait été délivrée que postérieurement à l’expiration du délai décennal qui avait recommencé à courir, si bien que l’action des maîtres de l’ouvrage étaient selon eux prescrite.
L’arrêt d’appel est toutefois cassé par la Cour de Cassation, au visa de l’article 2241 du Code Civil qui dispose que :
La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
La Haute Juridiction a ainsi reproché à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché si la demande d’expertise n’avait pas, en application de cet article, permis l’interruption du délai de prescription.
L’interruption du délai de prescription, contrairement à la suspension, fait courir un nouveau délai de même nature, et efface le premier délai écoulé.
Il importe de souligner qu’était en cause en l’espèce le délai de dix ans de la responsabilité contractuelle de droit commun en matière de construction, et non le délai de la responsabilité décennale, également de dix ans.
Pour ce dernier, il convient de rappeler que la Cour de Cassation estime que c’est un délai de forclusion, et qu’il n’est donc pas susceptible de suspension, mais d’interruption seulement (3ème Civ, 10 novembre 2016, n° 15-24249).