Clause d’exclusion de la responsabilité solidaire : son imprécision permet à l’architecte de ne pas être tenu responsable pour le tout.
Clause d’exclusion de solidarité : la Cour de Cassation estime qu’une clause excluant la solidarité de l’architecte en cas de pluralité de responsables, peut concerner tant la responsabilité solidaire que la responsabilité in solidum, si elle est imprécise (3ème Civ, 14 février 2019, n° 17.26403).
Dans le cadre d’un chantier commandé par une SCCV, des infiltrations dans les logements en provenance des toitures-terrasses et des balcons ont été constatées.
La SCCV a déclaré le sinistre à l’assureur dommages-ouvrage, qui l’a indemnisé. La compagnie d’assurance a ensuite assigné les différents intervenants en remboursement des sommes exposées.
En première instance, l’architecte a été condamné in solidum avec les entreprises à indemniser l’assureur dommages-ouvrage.
Cependant, la Cour d’Appel a infirmé le jugement, si bien que l’assurance a formé un pourvoi en cassation.
La clause d’exclusion litigieuse du contrat conclu entre le maître d’ouvrage et l’architecte stipulait que : « l’architecte assume sa responsabilité professionnelle telle qu’elle est définie par les lois et règlements en vigueur (…). Il ne peut donc être tenu responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omissions du maître d’ouvrage ou des autres intervenants dans l’opération (…)« .
Selon l’assureur dommages-ouvrage, cette clause d’exclusion ne visait pas la condamnation in solidum prononcée par le juge.
Son argumentation n’est pas suivie par la Cour de Cassation : elle a estimé que la clause, qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables, n’était pas limitée à la responsabilité solidaire, puisqu’elle ne la visait « qu’en particulier ».
L’imprécision de cette clause d’exclusion a donc mené les juges, dont l’interprétation est souveraine, à en déduire qu’elle s’appliquait aussi à la responsabilité in solidum.
Pour mémoire, la solidarité et l’obligation in solidum sont juridiquement différentes. La première, prévue par le Code Civil, est contractuelle ou légale et ne se présume pas (article 1310 du Code Civil). La seconde est une théorie jurisprudentielle en matière de responsabilité civile permettant d’améliorer le recouvrement d’une créance.
A titre d’exemple, un assuré et son assureur sont condamnés solidairement puisqu’il existe entre eux un contrat. Un architecte et un maçon sont condamnés in solidum, en l’absence de contrat entre eux.
Dans les deux cas, cela permet au maître de l’ouvrage (ou à la personne qui lui est subrogée comme en l’espèce l’assureur dommages-ouvrage) de recouvrer la totalité de sa créance à l’encontre d’un seul responsable (le plus solvable), même si sa part de responsabilité n’est que de 20 % par exemple, ce qui lui évite de multiplier ses recours et d’être partiellement impayé en cas d’insolvabilité de l’un des co-responsables.
Habituellement, la Cour de Cassation estime que la clause d’exclusion de solidarité n’a pas pour effet d’empêcher une condamnation in solidum entre architecte et entreprises (3ème Civ, 18 juin 1980, n° 78-16096).
Dans cet arrêt publié au Bulletin, l’imprécision de la clause d’exclusion vient contredire la jurisprudence précitée et permet à l’architecte d’échapper à un recours de l’assureur pour la totalité de sa créance. L’assurance ne pourra recouvrer que la somme correspondant à la part de responsabilité de l’architecte.