Retards de paiement : ils peuvent justifier le retard de livraison.
Retards de paiement : le vendeur peut les opposer à l’acquéreur pour compenser les pénalités liées au retard de livraison (3ème Civ, 14 février 2019, n° 17-31665).
Dans cet arrêt, un promoteur avait vendu en l’état futur d’achèvement un immeuble destiné au logement de personnes âgées.
Se plaignant d’un retard de livraison, l’acquéreur a assigné en indemnisation le promoteur, qui a demandé à titre reconventionnel le paiement d’indemnités contractuelles.
Devant la Cour d’Appel, le promoteur a été condamné à indemniser le retard de livraison.
Les magistrats ont retenu que la stipulation de pénalités contractuelles de retard faisait obstacle à ce que le promoteur puisse opposer l’exception d’inexécution aux retards de paiement de l’acquéreur pour suspendre l’exécution de sa propre prestation.
Cet arrêt est cassé par la Cour de Cassation, au visa de l’article 1184 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Cet article disposait que :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.«
Cet article servait de fondement indirect au mécanisme de l’exception d’inexécution, qui a maintenant deux articles qui lui sont consacrés par la réforme du Code Civil de 2016 (articles 1219 et 1220).
Dans le cadre d’un contrat synallagmatique, les parties sont liées par des obligations contractuelles interdépendantes et réciproques. L’exécution d’une obligation contractuelle par une partie ne vaut que si l’autre exécute sa propre obligation, et inversement.
Si l’un des cocontractants manque à son obligation, l’autre peut lui opposer l’exception d’inexécution et ainsi ne pas s’exécuter non plus.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation vient préciser que la stipulation de sanctions à l’inexécution du contrat n’exclut pas la mise en œuvre des solutions issues du droit commun des obligations.
La Haute Juridiction admet ainsi la faculté de cumuler les sanctions en présence d’une inexécution contractuelle : celle prévue contractuellement (les intérêts de retard) et celle résultat du droit commun (l’exception d’inexécution pour retards de paiement).
Cette pratique est d’ailleurs consacrée par le nouvel article 1217 du Code Civil qui dispose que :
« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécution ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées : des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.«