Enrichissement sans cause face au droit à la réparation intégrale du préjudice.
Enrichissement sans cause : la notion peut ne pas s’appliquer face au principe d’indemnisation totale du préjudice (3ème Civ, 26 novembre 2020, n° 18-26402).
Un couple a confié à un architecte une mission de maîtrise d’oeuvre complète en vue de la construction d’une maison. Le lot gros-oeuvre a été confié à une entreprise.
Face à l’apparition d’inondations dans le sous-sol, les maîtres de l’ouvrage ont cessé de payer le constructeur, et la réception n’a pas été prononcée.
L’entreprise a alors assigné le couple en paiement du solde de ses factures et aux fins de voir prononcer la réception judiciaire des travaux, assignant également l’architecte. Les maîtres d’ouvrage ont sollicité à titre reconventionnel la condamnation du maître d’oeuvre et de l’entreprise en indemnisation de leurs préjudices liés aux inondations.
La Cour d’Appel a condamné in solidum l’architecte et le titulaire du lot gros-oeuvre à leur payer une somme de près de 110.000 €.
Le maître d’oeuvre a formé un pourvoi en cassation.
Il se fondait sur la théorie de l’enrichissement sans cause, reconnue pour la première fois par la jurisprudence dans un arrêt du 15 juin 1892. Cette théorie dérive du principe d’équité qui défend de s’enrichir au détriment d’autrui. L’action « de in rem verso » fondée sur ce principe est admise lorsque le patrimoine d’une personne s’est enrichi au détriment d’une autre, sans que l’appauvrissement de la seconde ne trouve de justification légale ou contractuelle.
On retrouve aujourd’hui le principe codifié aux articles 1303 et suivants du Code Civil.
En l’espèce, selon l’architecte, les dommages-intérêts devaient réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour la victime ni perte ni profit. L’expert judiciaire a conclu que le cuvelage, qui avait été prévu en option dans le devis, était indispensable à l’étanchéité du sous-sol. Le maître d’oeuvre faisait valoir que le coût de ce cuvelage devait être supporté par les maîtres de l’ouvrage, sauf à constituer un enrichissement sans cause.
Il n’est toutefois pas suivi par la Cour de Cassation dans son argumentation.
Selon la Haute Juridiction, l’architecte ne démontrait pas avoir suffisamment informé les maîtres d’ouvrage, avant les travaux, des risques induits par l’abandon de la structure en coque.
Or les travaux réparatoires préconisés par l’expert judiciaire incluaient la réalisation d’un cuvelage général.
Dès lors, dans la mesure où les maîtres de l’ouvrage avaient le droit à la réparation intégrale de leur préjudice par la remise en état de l’ouvrage afin qu’il soit exempt de vice et conforme aux dispositions contractuelles, la notion d’enrichissement sans cause ne trouvait pas à s’appliquer.
Le devoir de conseil de l’architecte est une fois encore souligné par la Cour de Cassation.