Dépassement de budget et architecte
Bonjour à tous ! Je vous propose aujourd’hui d’aborder une question qui est source d’un abondant contentieux, à savoir le dépassement d’un budget de construction et la responsabilité du maître d’œuvre à cet égard.
Il peut arriver qu’entre l’enveloppe financière mentionnée dans l’avant-projet sommaire, et le coût final de la construction, il existe un écart plus ou moins important.
Cet écart financier va alors être source de litige, et il est intéressant de connaître comment la jurisprudence aborde la question.
Comme vous le savez, un architecte a un devoir de conseil, et il doit tenir compte des souhaits de ses clients, mais aussi de leurs possibilités financières.
C’est ainsi que l’architecte doit renseigner le maître d’ouvrage sur le coût prévisionnel des travaux.
L’évaluation globale du maître d’œuvre de ce coût avant l’appel d’offres doit se révéler exacte, seule une légère variation étant admissible.
Si une telle variation n’est pas légère, mais importante, qui doit en assumer la charge ?
Pour tenter de trancher la question, je vous propose de comparer deux arrêts récents rendus par la Cour de Cassation.
Dans le premier cas, il est confié à l’architecte une mission complète de maîtrise d’œuvre, avec direction des travaux, portant sur la rénovation et l’extension d’une maison (3ème Civ, 13 juin 2019, n° 18-16643).
Le budget initial avait été fixé à 458.000 € HT, tandis que le budget final a atteint la somme de 813.000 € HT.
Confronté à des impayés, l’architecte a assigné le maître d’ouvrage en paiement de ses honoraires, lequel a sollicité à titre reconventionnel l’indemnisation de son préjudice résultant du dépassement du budget.
Un expert judiciaire a été désigné, et au regard des prestations exceptionnelles réalisées, il a estimé que la maison était assimilable à une résidence sur mesure à exigences particulières se situant hors des standards habituels. Selon l’expert, le budget de départ était totalement irréaliste au regard de l’importance de cette maison particulière et avec le niveau des prestations.
La Cour de Cassation a relevé que le budget final de l’opération représentait un quasi doublement du montant des travaux, l’expert judiciaire indiquant que l’architecte avait minoré dès le départ le ratio indicatif de prix moyen au m2 / SHON.
La Haute Juridiction a ainsi estimé que l’architecte avait failli à son devoir de conseil relativement à la sous-évaluation du montant des travaux.
Dans le second cas, un viticulteur a confié une mission de maîtrise d’œuvre complète à une société d’architecture pour la réalisation d’un bâtiment regroupant l’ensemble de son outil de production viticole (3ème Civ, 27 mai 2021, n° 19-16.657).
Alléguant un défaut de maîtrise de l’enveloppe budgétaire et des défauts de conception, le maître d’ouvrage a sollicité une mesure d’expertise, avant d’assigner le maître d’oeuvre et les autres intervenants en remboursement des honoraires et en indemnisation de ses préjudices.
En l’espèce, le dépassement de budget s’élevait à plus de 4 millions d’euros.
Mais les Juges ont estimé qu’il ne s’agissait pas d’un préjudice indemnisable.
Selon le contrat de maîtrise d’oeuvre, il appartenait au maître de l’ouvrage de fixer le programme fonctionnel auquel l’architecte devait répondre.
L’APS mentionnait une enveloppe financière de 11,4 millions d’euros pour une construction de 10.000 m2.
Toutefois, à la demande du maître d’ouvrage, le projet avait évolué, le dernier chiffrage faisant état de 13,8 millions d’euros et la demande de permis de construire mentionnant une surface de 14.500 m2.
La Cour de Cassation a noté que les évolutions du projet étaient le fait du maître de l’ouvrage. Celui-ci avait eu pleinement connaissance, avant la signature du contrat de maîtrise d’oeuvre, de l’évolution de l’estimation financière résultant des modifications du bâtiment, et il avait signé les ordres de service établis sur la base des offres des entreprises consultées.
Les Juges ont ainsi déterminé que le maître d’oeuvre ne devait pas être tenu responsable du dépassement budget.
Vous l’aurez compris, dans le premier cas, c’est le budget de départ qui était totalement irréaliste, entraînant ainsi la responsabilité de l’architecte. Dans le second cas, le budget de départ était correct, mais ce sont les demandes du maître d’ouvrage qui ont augmenté le coût des travaux, d’où l’absence de responsabilité du maître d’œuvre.
On peut déduire de ces deux jurisprudences qu’une sous-évaluation du montant des travaux engage la responsabilité du maître d’œuvre, à moins que le projet n’évolue en raison de demandes complémentaires ou modificatives du maître d’ouvrage.
Voilà, j’espère qu’avec cet éclairage vous ne tomberez pas dans le piège de la sous-évaluation des travaux !
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