Nullité CCMI et démolition : la nullité du contrat de construction de maison individuelle entraîne-t-elle toujours la démolition de l’immeuble ?
Bonjour à tous ! Aujourd’hui je vous propose d’examiner ensemble les conséquences de la nullité d’un contrat de construction de maison individuelle, ou CCMI, et notamment celle de la démolition de l’ouvrage.
Le régime d’un CCMI est d’ordre public, ce qui signifie que tout non-respect des dispositions légales et règlementaires régissant ce contrat est sanctionné par la nullité, ce qui entraîne la disparition rétroactive de l’acte. A défaut de respecter les mentions obligatoires, un CCMI est nul, et c’est une solution constante de la Cour de Cassation.
La conséquence de la nullité est que les parties sont remises dans l’état antérieur à la conclusion du contrat : se pose alors la question de l’ouvrage qui a été construit : doit-il être démoli ?
La réponse de principe serait positive, en vertu de la réciprocité des restitutions. Puisque le CCMI est annulé, les sommes versées sont restituées au maître d’ouvrage et le terrain doit donc apparaître comme n’ayant jamais fait l’objet d’une construction.
Toutefois depuis quelques années, la réponse doit être plus nuancée, au regard de l’évolution de la jurisprudence à ce sujet, qui a consacré le principe de proportionnalité.
Ce principe a tout d’abord été retenu par la Cour de Cassation dans le domaine de l’empiètement sur le terrain voisin. Le droit de propriété, institué par l’article 544 du Code Civil, est un droit absolu, et la jurisprudence s’est toujours efforcée de le garantir au maximum. La propriété est en effet inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et est à ce titre constitutionnellement protégée.
La Cour de Cassation a établi de longue date une jurisprudence sanctionnant l’atteinte au droit de propriété par un empiètement, si minime soit-il, prononçant systématiquement la démolition de l’ouvrage (3ème Civ, 26 juin 1979, n° 78-10567). Cela menait à des situations ubuesques où un empiètement de 0,5 centimètres pouvait mener à la démolition de la construction fautive (3ème Civ 20 mars 2002, n° 00-16015). Même négligeable, un empiètement entraîne la démolition de l’immeuble, puisque selon l’article 545 du Code Civil, « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. ».
Toutefois, depuis 2015, un revirement de jurisprudence a été amorcé par la 3ème Chambre Civile de la Haute Juridiction, atténuant la rigueur de sa précédente position. Ainsi, elle a pu refuser la démolition lorsque seul l’enduit de façade empiétait sur le fonds voisin et privilégier une solution alternative, à savoir le grattage de l’enduit (3ème Civ, 23 juin 2015, n° 14-11870).
Dans un arrêt du 10 novembre 2016, la Cour de Cassation a consacré le principe de proportionnalité et a invalidé la démolition systématique. En l’espèce, un garage empiétait sur le fonds voisin de 0,04 m2… La Cour de Cassation a fort heureusement privilégié le rabotage du mur à la démolition du garage.
Désormais, les juges doivent examiner si la démolition n’est pas disproportionnée par rapport à l’empiètement litigieux.
Et c’est cette même jurisprudence qui est aujourd’hui appliquée aux dossiers de nullité des contrats de construction de maison individuelle.
Ainsi, la demande de remise en état des lieux formée par le maître d’ouvrage peut être rejetée par le juge au regard de l’achèvement de l’ouvrage (3ème Civ, 22 novembre 2018, n° 17-12537).
Dans le cas où les travaux réalisés par le constructeur sont quasiment achevés, les juges peuvent en déduire que la mesure de remise en état des lieux constituerait une sanction disproportionnée, au regard des travaux réalisés et de la gravité des désordres.
A titre d’exemple, il a été jugé qu’un maître d’ouvrage était particulièrement malvenu de solliciter la remise en état du terrain dans la mesure où il avait lui-même procédé à l’achèvement de sa maison, et qu’il n’avait quasiment rien réglé au constructeur alors que 90 % des travaux avaient été réalisés.
Il existe donc un mouvement jurisprudentiel favorable au principe de proportionnalité, qui revient sur la démolition systématique.
Aujourd’hui, le principe est donc qu’en cas de nullité du CCMI, le juge, saisi d’une demande de remise en état du terrain au titre des restitutions réciproques, doit rechercher si la démolition de l’ouvrage constitue une sanction proportionnée à la gravité du désordre et des non-conformités.
Enfin, un récent arrêt rendu en mai 2021 est venu préciser qu’il appartient au constructeur de prouver la disproportion de la sanction de démolition en cas de nullité du CCMI (3ème Civ, 27 mai 2021, n° 20-13.204).
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