Le cache-cache des désordres apparents, ou le caractère apparent du désordre dans toutes ses conséquences dommageables.
Bonjour à tous ! Je vous propose aujourd’hui de faire un focus sur une solution jurisprudentielle qui permet de contourner l’absence de responsabilité civile décennale qui découle de la réception sans réserve malgré des désordres apparents.
Vous le savez, l’effet principal d’une réception sans réserve est de couvrir les vices apparents. Le maître d’ouvrage est alors dans l’impossibilité de rechercher la responsabilité du constructeur pour des vices qu’il n’a pas dénoncés lors de la signature du PV de réception.
La réception sans réserve s’analyse en effet juridiquement comme une renonciation du maitre d’ouvrage à se prévaloir de désordres dont il aurait eu connaissance avant la réception.
On dit que ces désordres apparents sont « purgés », et ils sont considérés comme acceptés par le maître d’ouvrage.
La solution est la même s’agissant de la réception tacite qui est, par principe, sans réserve, de par l’absence de rédaction du PV de réception.
Or il n’est pas rare que les effets de ces vices apparents non réservés ne se révèlent qu’après la réception.
Pour tempérer la rigueur de la règle de purge des désordres apparents, la jurisprudence a imaginé de s’intéresser à l’apparence des conséquences dommageables du vice.
Ainsi, ce n’est plus seulement le vice qui doit être apparent, mais aussi ses conséquences dommageables (3ème Civ, 23 avril 1997, n° 95-13.482).
Si les conséquences dommageables du vice apparent ne sont elles, pas apparentes dans toute leur ampleur au moment de la réception, alors le vice pourra être assimilé à un vice caché, et alors entraîner l’application de la responsabilité civile décennale.
Ainsi le fait de signer le PV de réception sans réserve ne signifie pas nécessairement que le maître d’ouvrage avait connaissance du vice affectant l’immeuble dans l’ensemble de ses conséquences dommageables et dans toute sa gravité (3e civ 24 févr. 2009, n° 07-20.619).
Le caractère apparent du vice et de ses conséquences s’apprécie d’ailleurs non pas de façon objective, mais de façon subjective, par rapport à la personne du maître d’ouvrage au jour de la réception (3ème Civ 18 avril 2019 n° 18-14.337).
Cette solution venant atténuer la brutalité des conséquences d’une réception sans réserve a tout récemment été rappelée par la Cour de Cassation le 16 février 2022 (3ème Civ 16/02/2022, n° 21-12828).
Une SCI avait fait réaliser des travaux de réhabilitation d’un immeuble, qui avaient été tacitement réceptionnés.
L’expertise judiciaire diligentée avait déterminé que les défauts affectant la charpente étaient apparents lors des travaux.
L’absence de réception expresse avait toutefois empêché l’émission de réserves.
La Cour de Cassation a toutefois considéré que le défaut n’était pas apparent à la réception dans toutes ses conséquences dommageables, si bien que les demandes fondées sur l’article 1792 du Code Civil pouvaient être accueillies.
Ainsi, l’absence de réserves du maître de l’ouvrage relativement à un vice apparent à la réception, ne le prive pas de faire ultérieurement valoir que toutes les conséquences de ce vice ne s’étaient pas réalisées au jour de la réception, et n’étaient pas raisonnablement prévisibles, pour ainsi bénéficier de la responsabilité civile décennale.
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