Clause de direction du procès par l’assureur
Bonjour à tous ! Aujourd’hui voyons ensemble une clause propre au droit des assurances, qui est la clause de direction du procès par l’assureur.
Une telle clause offre à l’assureur la possibilité de prendre la direction du procès qui est fait à son assuré par un tiers et qui en recherche la responsabilité.
Il peut ainsi arriver que si l’assureur n’est pas mis en cause, c’est son assuré qui est partie au procès, alors qu’en coulisse, c’est l’assureur qui dirige l’instance.
Si cette clause est mise en œuvre, c’est l’assureur seul qui organise la défense de l’assuré, qui choisit l’avocat, et qui décide d’une éventuelle transaction ou d’un recours.
En contrepartie, l’assureur assume la charge financière du procès.
Jusqu’en 1989 et l’instauration de l’article L 113-17 du Code des assurances, l’assuré avait même l’interdiction de s’immiscer dans la direction du procès, à peine de déchéance.
Depuis, l’immixtion est possible, si l’assuré y a intérêt.
Vous avez sûrement déjà rencontré le cas où la clause de direction du procès ne s’applique pas, lorsqu’il y a des intérêts divergents entre l’assuré et l’assureur, notamment par le jeu d’une non-garantie.
Mais imaginez l’hypothèse suivante : un assureur qui dirige le procès de l’assuré, mais qui par la suite dénie sa garantie.
Pour éviter cette situation déloyale, la jurisprudence a rapidement décidé que l’assureur qui prend la direction du procès est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance, avant que cette solution ne soit reprise par l’article L. 113-17 du Code des assurances. (Civ 1ère, du 8 avril 1986, n° 84-13.883).
La question se pose alors de savoir si l’assureur est censé renoncer à toutes les exceptions.
Toutes celles tendant à invoquer la nullité du contrat, la suspension de la garantie, l’expiration de la garantie ou la prescription biennale sont sans nul doute des éléments dont l’assureur avait connaissance au moment où il a pris la direction du procès, si bien qu’il est censé y renoncer.
Il n’en va pas de même lorsqu’est en cause la nature des risques garantis ou le montant de la garantie, puisque ce sont des paramètres qui vont se déterminer plus tard au cours du litige ou au moment de la décision.
Tout récemment, la Cour de Cassation a répondu à la question de savoir si les exceptions auxquelles l’assureur renonçait en prenant la direction du procès concernaient la franchise contractuelle (3ème Civ, 20 janvier 2022, n° 20.17-649).
Dans cet arrêt, une société avait fait réaliser des travaux en vue de la construction d’un immeuble de plusieurs étages. La société propriétaire du fonds voisin, alléguant l’apparition de fissures sur son immeuble, avait saisi le juge des référés aux fins d’expertise.
Les réparations évaluées par l’expert judiciaire s’élevaient à la modique somme de 3.360 €. Pourtant le litige n’a pas trouvé d’issue amiable, et la société voisine avait saisi les juridictions du fond aux fins d’indemnisation à l’encontre du constructeur et de son assureur.
Le Tribunal a condamné solidairement ces derniers à indemniser le voisin au titre de son préjudice matériel, estimant que l’assureur avait renoncé à se prévaloir d’une exclusion contractuelle tirée de l’existence d’une franchise en ayant pris la direction du procès, l’assuré étant représenté par le même avocat que l’assureur.
L’avocat de ces deux parties avait, au cours du litige, indiqué qu’il n’intervenait plus qu’au soutien des intérêts de l’assureur. Il avait fait valoir que la franchise de 5.000 € était applicable.
En première instance, le Tribunal a alors considéré qu’il y avait lieu de caractériser une prise de direction du procès par l’assureur, ayant assuré une défense commune avec l’assuré, et qu’il était censé ainsi avoir renoncé à toutes les exceptions. Selon le Tribunal, l’assureur ne pouvait plus dénier sa garantie au motif que le montant du dommage était inférieur à sa franchise.
Au visa de l’article L 113-17 du Code des assurances, la Cour de Cassation a cassé le jugement du Tribunal.
Elle a rappelé que les exceptions dont l’assureur renonce à se prévaloir quand il prend la direction du procès, ne concernent pas la franchise contractuelle prévue dans la police d’assurance.
Comme vous pouvez le voir, la clause de direction du procès, de par ses effets, est à manier avec précaution par les assureurs.
▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬
Venez découvrir les différents domaines d’activités ainsi que les vidéos YouTube de Me Marine VENIN et abonnez-vous à sa chaîne !