Responsabilité finale du promoteur : comment se répartit la dette avec les constructeurs ?
Bonjour !
Je suis ravie de vous retrouver pour aborder la question de la répartition de la dette entre des constructeurs condamnés envers le maître d’ouvrage, et plus particulièrement de la responsabilité finale du promoteur.
Nous l’avons déjà vu ensemble à plusieurs reprises, et vous le saviez, l’article 1646-1 du Code Civil indique que le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes et entrepreneurs sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code.
Dans le cadre d’une vente après achèvement, c’est l’article 1792-1 du Code Civil qui s’applique, prévoyant qu’est réputé constructeur de toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.
Ainsi, le promoteur est redevable envers ses acquéreurs de la garantie des dommages dont les constructeurs sont eux-mêmes responsables à son égard, à l’exception de la garantie de parfait achèvement, comme vu dans la vidéo de la semaine passée.
3ème Civ, 30 mars 1994, n° 92-17.225
Le promoteur est le cocontractant direct des acquéreurs : il est donc logique que ces derniers puissent diriger leur action fondée sur 1792 à l’encontre du vendeur.
Mais ce dernier doit-il pour autant conserver la charge finale des condamnations ?
De manière générale, le promoteur s’est entouré de professionnels, et en cas de désordres, ce sont eux qui n’ont pas réalisé correctement leur marché.
Les malfaçons sont en pratique le fruit des carences des constructeurs, et non celui d’une faute propre au promoteur.
C’est la raison pour laquelle la Cour de Cassation a décidé depuis longtemps que pour que les Juges puissent laisser à la charge du promoteur une part de responsabilité au titre des désordres, il était nécessaire de caractériser, dans ses rapports avec les locateurs d’ouvrage :
- Soit une faute imputable directement au promoteur
- Soit son acceptation délibérée des risques
3e Civ., 14 novembre 1991, n° 90-10.050
Cette détermination de la responsabilité finale du promoteur a été rappelée dans un récent arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 14 décembre 2022.
3e Civ., 14 décembre 2022, n° 21-19.377
En l’espèce, une SCI avait entrepris des travaux de construction du siège régional de la CPAM.
Après réception des travaux, le crédit-bailleur et le crédit-preneur se sont plaints de désordres affectant le câblage du réseau informatique, ne permettant pas à celui-ci d’atteindre le débit contractuellement garanti.
Après expertise judiciaire, les juridictions du fond sont saisies d’une demande d’indemnisation, et la Cour d’Appel laisse à la charge du promoteur une part de responsabilité à hauteur de 20 %, ses co-obligés n’étant tenus de garantir la SCI qu’à hauteur de leur part de responsabilité.
Les Juges n’ont ainsi accordé au promoteur qu’un recours contributif partiel contre les constructeurs.
La décision d’appel est cassée par la Haute Juridiction sur ce moyen.
Au visa des articles 1646-1, 1147 et 1382 anciennement, la Cour de Cassation souligne que le vendeur d’immeuble à construire condamné à réparation au titre d’une responsabilité de plein droit ne peut, dans ses recours contre les constructeurs, conserver à sa charge une part de la dette de réparation que si
- une faute
- une immixtion
- ou une prise délibérée du risque est caractérisée à son encontre.
En l’espèce, pour n’accueillir que partiellement le recours de la SCI à l’encontre des constructeurs fautifs et laisser à sa charge 20 % de la dette de réparation, l’arrêt d’appel a retenu que la SCI était responsable d’une non-conformité contractuelle fondamentale, à savoir le non-respect du débit internet prévu.
Ce faisant, les Juges d’appel n’ont pas caractérisé dans ses rapports avec les locateurs d’ouvrage, une faute du promoteur, une immixtion ou une acceptation délibérée du risque, si bien que l’arrêt est cassé.
On voit donc à la lumière de la jurisprudence que la responsabilité finale du promoteur est très circonscrite dans ses rapports entre les locateurs d’ouvrage, et la charge de la dette ne lui est in fine attribuée en pratique surtout si l’un des constructeurs condamnés est insolvable.
Vous pouvez rapprocher cette position de la Cour de Cassation de celle qu’elle a adoptée s’agissant des désordres intermédiaires, où elle exige également la preuve de l’existence d’une faute personnelle qu’aurait commise le promoteur au regard des désordres allégués, qui doit se distinguer des fautes de conception ou d’exécution commises par les entreprises.
3ème Civ., 5 janvier 2022, n° 20-21.913
▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬
Venez découvrir les différents domaines d’activités ainsi que les vidéos YouTube de Me Marine VENIN et abonnez-vous à sa chaîne !