Action récursoire en responsabilité civile et prescription
Action récursoire : la prescription applicable d’une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu’il estime coauteur du même dommage a pour point de départ l’assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit (Ch Mixte, 19 juillet 2024, n° 22-18.729, publié au Bulletin). (voir ici la vidéo YouTube)
Dans le cadre d’une succession, un notaire avait établi un acte de notoriété désignant l’épouse, conjoint survivant, en qualité de légataire de la quotité disponible entre époux, et héritière du quart des biens en pleine propriété. Une convention de partage a alors établie sur la base de cet acte notarial, sous le contrôle notamment de l’avocat de la veuve.
Estimant qu’elle aurait pu cumuler plusieurs droits, la veuve a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation en 2010, estimant qu’il avait manqué à son devoir d’information et de conseil. Le notaire a été condamné à lui verser des dommages-intérêts par un arrêt en date du 21 septembre 2016.
En 2017, le notaire et ses assureurs ont assigné l’avocat de la veuve, considérant qu’il avait concouru, à hauteur des deux tiers, à la constitution du dommage subi évalué par l’arrêt de 2016.
L’avocat leur a opposé la prescription de leur action, et les Juges d’appel lui ont donné raison, si bien qu’un pourvoi a été formé par le notaire.
La question se posait de savoir si cette action en responsabilité civile du notaire à l’encontre de l’avocat rentrait dans le cadre :
- soit d’une action principale en responsabilité tendant à l’indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers. Seule la décision définitive établissant ce droit met l’intéressé en mesure d’exercer l’action en réparation, si bien que c’est cette décision qui constitue le point de départ de la prescription.
En effet, lorsque le dommage invoqué par une partie dépend d’une procédure contentieuse l’opposant à un tiers, il ne se manifeste qu’au jour où cette partie est condamnée par une décision irrévocable.
La Cour de Cassation prend pour exemple la matière fiscale, où il est jugé que le préjudice n’est pas réalisé et que la prescription n’a pas couru tant que le recours contre le redressement n’est pas rejeté par le juge de l’impôt.
- soit d’une action récursoire tendant à obtenir la garantie d’une condamnation prononcée ou susceptible de l’être en faveur d’un tiers victime. Une telle action récursoire est fondée sur un préjudice unique causé à ce tiers par une pluralité de faits générateurs susceptibles d’être imputés à différents coresponsables.
En ce cas, la personne assignée en responsabilité civile a connaissance, dès l’assignation, des faits lui permettant d’agir contre celui qu’elle estime responsable.
La Cour de Cassation prend pour exemple les recours entre constructeurs.
La Haute Juridiction a dû se réunir en Chambre Mixte (composée des 1è, 2è et 3è Chambres civiles et de la Chambre Commerciale) pour se prononcer.
Elle a souligné que le notaire ne pouvait pas ignorer, dès la délivrance de l’assignation par la veuve, l’erreur commise par tous les professionnels du droit, en ce compris l’avocat, si bien que la prescription de son action récursoire à l’encontre de ce dernier avait commencé à courir au jour où la veuve l’avait assigné en responsabilité civile.
Le notaire ayant été assigné en 2010, il aurait dû appel en cause l’avocat avant 2015, si bien que son action diligentée en 2017 était prescrite.
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