Démolition nécessitée par les travaux réparatoires : mobilisation de la garantie décennale ?
Bonjour à tous !
Dans cette vidéo je vous propose de voir comment la nécessité de démolir un ouvrage n’est pas nécessairement synonyme d’application de la garantie décennale.
C’est par exemple le cas en présence de non-conformité. Pour mémoire, une non-conformité se diffère d’un vice de construction, appelé aussi dommage ou désordre, qui est une défectuosité de l’ouvrage.
La non-conformité est quant à elle une différence entre la chose livrée et les engagements pris par le constructeur.
Un marché de travaux oblige l’entrepreneur à livrer un ouvrage conforme à ce qui a été convenu, et il y a non-conformité quand le constructeur réalise un ouvrage différent de celui qui était prévu, ce qui entraîne sa responsabilité contractuelle à l’égard du maître d’ouvrage.
Certaines non-conformités peuvent entraîner des dommages de nature décennale, si bien qu’ils doivent être indemnisés sur le fondement de la garantie décennale et non sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun.
3ème Civ, 13 avril 1988, n° 86-17.824
En revanche, les défauts de conformité ne portant atteinte ni à la solidité de l’ouvrage ni à sa destination n’engagent pas la responsabilité décennale de l’entreprise, et ne sont pas couverts par l’assureur dommages-ouvrage ou par l’assureur RCD.
Les non-conformités sans désordre sont donc souvent non garanties par l’assureur, et reposent entièrement sur la solvabilité du constructeur.
De même, une non-conformité sans désordre n’engage pas en principe la responsabilité du constructeur sauf si :
– La non-conformité concerne une stipulation contractuelle
– La non-conformité concerne une norme rendue obligatoire par la loi
3ème Civ, 10 juin 2021, n° 20-15.277
Un exemple de ce second point est la non-conformité aux normes parasismiques.
La jurisprudence considère que cette non-conformité constitue un désordre de nature décennale, même en l’absence de dommage, lorsque la réglementation imposant des normes parasismiques s’applique aux travaux litigieux (3ème Civ, 19 septembre 2019, n° 18-16.986).
Mais quelle est la position de la jurisprudence en cas de non-conformité entraînant la nécessité de démolition-reconstruction de l’ouvrage ?
La Cour de Cassation a eu l’occasion d’aborder la question dans un arrêt du 6 juin 2024, publié au Bulletin, synonyme d’arrêt important.
3ème Civ, 6 juin 2024, n° 23-11.336
Dans cette affaire, des maîtres d’ouvrage avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle.
Suite à des désordres et non-conformités, ils ont effectué une déclaration auprès de l’assureur dommages-ouvrage, avant de conclure une transaction avec le garant de livraison en raison de la liquidation judiciaire du constructeur.
Cette transaction prévoyait le paiement d’une somme de 400.000 € correspondant au prix de la démolition-reconstruction de l’ouvrage.
Le garant de livraison a alors ensuite assigné l’assureur DO en paiement sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil.
Les Juges d’appel ont rejeté ses demandes, si bien que le garant a formé un pourvoi.
La Cour de Cassation a estimé que son argumentation n’était pas fondée.
Elle a rappelé que les défauts de conformité affectant un immeuble n’entrent pas, en l’absence de désordre, dans le champ d’application de l’article 1792 du code civil.
3ème Civ, 20 novembre 1991, n° 89-14.867
Il en est de même pour les défauts de conformité aux stipulations contractuelles qui ne portent pas, en eux-mêmes, atteinte à la solidité ou à la destination de l’ouvrage et qui n’exposent pas le maître de l’ouvrage à un risque de démolition à la demande d’un tiers, et ce quand bien même la démolition-reconstruction de l’ouvrage serait retenue pour réparer ces non-conformités.
En l’espèce, les Juges d’appel avaient justement relevé que la nécessité de démolition ne découlait pas d’un dommage de nature décennale, si bien que l’assureur dommages-ouvrage ne pouvait pas être tenu de garantir les travaux.
Vous pourrez donc constater que lorsque les travaux réparatoires consistent en la démolition-reconstruction de l’ouvrage, cela ne signifie pas automatiquement que le maître d’ouvrage peut bénéficier de l’assurance décennale du constructeur.
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