Carrelage et garantie : attention aux idées reçues et aux fausses informations !
Carrelage et garantie : suite à la récente diffusion d’articles dans la presse concernant le fait que le carrelage n’aurait pas droit à la garantie décennale, quelques précisions s’imposent !
- FAUSSE INFO : « le carrelage mal posé ne relève pas de la garantie décennale »
C’est faux ! Une telle généralité doit en effet être nuancée.
D’une part, l’arrêt en question (3ème Civ, 21 novembre 2019, n° 18-23051) concernait la pose d’un carrelage sur un ouvrage existant.
Or de manière générale, il est plus difficile pour des travaux sur existants de bénéficier de la garantie décennale que pour des travaux neufs, puisqu’il faut déterminer si lesdits travaux constituent un ouvrage.
Habituellement, face à des travaux neufs consistant simplement en l’adjonction d’un élément d’équipement dissociable, la jurisprudence ne retenait pas systématiquement la qualification d’ouvrage, et pouvait exclure l’application de la garantie décennale et même de la garantie biennale (voir cet article).
L’arrêt commenté ne traitait pas d’un carrelage posé dans le cadre de la construction d’une maison neuve, mais il s’agissait du régime particulier des travaux sur existants.
D’autre part, carrelage et garantie décennale peuvent être associés ! La garantie décennale a été retenue par exemple dans les cas suivants :
- fissurations de carrelages, collés sur une chape non armée et coulée sur un plancher en bois (3ème Civ, 5 janvier 2017, n° 15-2564)
- fissures de carrelages présentant un désaffleur à bord tranchant et affectant tous les appartements d’un immeuble, rendant ainsi l’immeuble impropre à sa destination (3ème Civ, 23 septembre 2009, n° 08-13806)
- IDEE REÇUE : ma responsabilité décennale n’est pas retenue, alors je ne peux pas être condamné !
En réalité, si la responsabilité décennale a été écartée, cela ne signifie pas que le constructeur est exonéré de toute responsabilité.
En effet, le maître d’ouvrage a pu formuler une demande subsidiaire au titre de la responsabilité contractuelle de l’entreprise, sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires (voir cet article). La jurisprudence permet en effet au maître d’ouvrage de solliciter la réparation post réception des désordres qui n’atteignent pas la solidité de l’ouvrage et qui ne le rendent pas impropre à sa destination.
S’agissant du carrelage, la jurisprudence considère que celui-ci ne constituant pas un élément d’équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du Code Civil, la demande en réparation des désordres l’affectant, lorsqu’ils ne rendent pas l’ouvrage impropre à sa destination ou n’affectent pas sa solidité, ne peut être fondée, avant comme après réception, que sur la responsabilité contractuelle de droit commun (voir cet article).
Les dommages intermédiaires ne bénéficient pas de la présomption de responsabilité des garanties légales posées par les articles 1792 et suivants du Code Civil où il suffit de prouver l’existence du désordre, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute.
Le maître d’ouvrage doit donc rapporter la preuve d’une faute du constructeur dans la pose du carrelage, et l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
Il est question ici du carrelage, mais ce raisonnement est valable pour tous types de travaux.
Une différence majeure réside également dans le fait que n’étant pas l’une des garanties légales, le constructeur n’a pas l’obligation de souscrire une assurance pour les dommages intermédiaires.
C’est la raison pour laquelle un constructeur et son assureur peuvent parfois ne pas avoir les mêmes intérêts : l’assureur va chercher à faire juger que le désordre n’est pas de nature décennale, pour ne pas garantir, alors que l’assuré aurait parfois intérêt à faire juger le contraire, pour ne pas se retrouver condamné seul sur le fondement de la responsabilité contractuelle !
D’où l’intérêt parfois de ne pas choisir le même avocat que son assureur…
En bref, petit conseil : comme pour toute matière, allez chercher vos infos à la source, auprès de professionnels, et non au hasard des pages internet !