Délai raisonnable : le Conseil d’Etat ne l’applique pas au référé précontractuel.
Délai raisonnable et référé précontractuel : seule la signature du contrat met fin à la possibilité de saisir le Juge selon le Conseil d’Etat.
Après avoir récemment ouvert une nouvelle voie de recours aux tiers à un marché public, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le délai dans lequel un requérant pouvait saisir le Juge d’un référé précontractuel (CE 12 juillet 2017 n° 410832, Société Etudes Créations et Informatique).
La société ECI avait participé à un appel d’offres pour un marché public relatif à un système de transport intelligent, et avait vu sa candidature rejetée par décision notifiée en septembre 2016.
Sept mois plus tard, elle avait introduit un référé précontractuel devant le Président du Tribunal administratif de La Réunion, sollicitant l’annulation de la procédure de passation.
Le juge des référés avait estimé que le principe de sécurité juridique entraînait l’obligation de former un recours précontractuel dans un délai raisonnable, et avait fixé celui-ci à trois mois à compter de la date à laquelle le requérant a eu connaissance du manquement allégué.
Le recours de la société ECI avait donc été rejeté comme étant tardif.
Ce n’est pas la position adoptée par le Conseil d’Etat. Ce dernier annule l’ordonnance de référé au motif de l’erreur de droit, en considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’implique que les personnes ayant intérêt à conclure le contrat et qui s’estiment lésées par des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence, soient tenues de saisir le juge du référé précontractuel dans un délai déterminé.
Le Conseil d’Etat a souligné que cela ne conduisait pas à ce que ces manquement puissent être contestés indéfiniment devant le juge puisque la signature du contrat mettait fin à cette possibilité de saisine.
La Haute Juridiction a justifié sa position en précisant que la possibilité ainsi offerte de former un référé précontractuel en-dehors de la notion de délai raisonnable, permettait que lesdits manquements soient éventuellement corrigés avant la conclusion du contrat, et tendait ainsi à prévenir l’introduction de recours remettant en cause le contrat lui-même après sa signature et alors qu’il est en cours d’exécution.
Cette décision est à rapprocher de celle rendue exactement un an plus tôt aux termes de laquelle le Conseil d’Etat, dans sa formation en Assemblée et dont l’arrêt a été publié au Bulletin, avait au contraire fait application de la notion de délai raisonnable (CE 13 juillet 206, n° 387763, Czabaj) :
« Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance«
Dans la mesure où l’introduction d’un référé précontractuel est soumise à une contrainte de temps (signature du contrat), le Conseil d’Etat n’a pas jugé utile de transposer sa jurisprudence Czabaj à cette matière.