Démolition de l’immeuble et désordre décennal : le juge peut choisir une solution alternative pour remédier au dommage.
Démolition : le juge du fond apprécie souverainement les modalités de réparation des désordres (3ème Civ, 21 juin 2018, n° 17-15897).
Un couple a fait construire un immeuble comprenant au rez-de-chaussée un local commercial. Il s’est avéré par la suite que l’ouvrage ne respectait pas les normes d’accessibilité aux personnes handicapées en raison de la présence d’un seuil de vingt centimètres au niveau de l’entrée principale du local commercial.
Les maîtres de l’ouvrage et leur locataire ont assigné les constructeurs en référé expertise puis ils ont sollicité au fond la démolition et reconstruction totale de l’immeuble.
La Cour d’Appel a rejeté leur demande, et ils ont alors formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.
La Haute Juridiction a validé le raisonnement des premiers Juges. Elle a constaté que l’expert n’avait pas préconisé la démolition et reconstruction de l’immeuble dans son entier, mais avait proposé deux solutions alternatives.
La première consistait dans l’aménagement du trottoir, sous réserve de l’autorisation de la commune, et la seconde, dans l’abaissement du plancher du local commercial.
Il a été relevé que les maîtres d’ouvrage ne démontraient pas avoir effectué des démarches auprès de la mairie. Ils ne rapportaient pas non plus la preuve de ce que la seconde option aurait rendu impraticable l’accès et l’usage de la pièce située au sous-sol.
La Cour de Cassation a ainsi confirmé la Cour d’Appel dans son pouvoir souverain d’appréciation des modalités de réparation des désordres, en ce qu’elle avait retenu qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la destruction totale de l’immeuble et à sa reconstruction pour réparer le défaut de conformité qui affectait le seul local commercial.
Dans la mesure où la Cour était tenue par les conclusions des parties, et que les maîtres de l’ouvrage ne formulaient aucune autre demande que celle de la démolition, elle ne pouvait pas indemniser autrement les demandeurs.
Cette décision s’inscrit dans le mouvement jurisprudentiel favorable au principe de proportionnalité, qui revient sur la démolition systématique (voir cet article).
Cet arrêt est également en harmonie avec les dispositions du Code Civil provenant de la réforme du droit des contrats, dont le nouvel article 1221 dispose que :
« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.«