Désordre évolutif : cas d’engagement de la responsabilité décennale au-delà du délai de dix ans.
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 24 mars 2016 vient illustrer l’admission du désordre évolutif par les juges (3ème Civ 24 mars 2016, n° 14-13462). Il s’agit d’une théorie jurisprudentielle qui permet au maître d’ouvrage d’obtenir la condamnation d’un constructeur alors même que le délai décennal a expiré.
La notion de dommage évolutif, théorie d’application restreinte, implique la réunion de trois conditions :
- les désordres initiaux doivent avoir été dénoncés dans le délai de la garantie décennale
- la condition de gravité exigée par l’article 1792 du Code Civil doit avoir été satisfaite pour ces désordres initiaux avant l’expiration du délai de dix ans
- les nouveaux désordres doivent trouver leur siège dans l’ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis pendant le délai décennal et dont la réparation a été demandée en justice avant l’expiration de ce délai
Avant un arrêt du 18 janvier 2006, les nouveaux désordres devaient être l’aggravation des désordres initiaux et non pas des désordres initiaux sans lien de causalité avec les précédents. Depuis 2006, la notion d’aggravation a été abandonnée, afin de mieux correspondre à la nature du délai décennal, qui est un délai d’épreuve : un ouvrage qui a satisfait à sa fonction pendant dix ans a rempli l’objectif de l’article 1792 du Code Civil.
C’est ainsi que seuls les désordres remplissant strictement les trois conditions susvisées peuvent se voir appliquer la théorie du désordre évolutif.
L’arrêt du 24 mars 2016 en est l’illustration, cette théorie étant rarement retenue : en l’espèce, les désordres apparus postérieurement au délai de dix ans, résultaient de la même cause que ceux apparus dans le délai décennal, et trouvaient donc leur siège dans un même ouvrage où un désordre de nature identique avait été constaté avant l’expiration du délai de garantie décennale, et avaient la même origine, si bien qu’ils pouvaient se voir appliquer la notion de dommage évolutif.