Désordres futurs et évolutifs : quelle différence ?
Bonjour à tous, je suis ravie de vous retrouver pour une nouvelle vidéo relative aux désordres futurs et désordres évolutifs.
Les juristes des siècles précédents expliquaient déjà que seul l’écoulement du temps permettait de juger de la solidité d’un ouvrage et ce principe imprègne toujours l’esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation lorsqu’elle est amenée à statuer sur le cas de désordres dont la réparation ne s’inscrit pas nécessairement dans le délai d’épreuve de 10 ans.
Deux hypothèses sont à envisager :
Voyons tout d’abord les désordres futurs.
Il s’agit de désordres dont la demande de prise en charge se situe dans le délai de 10 ans, mais qui seront susceptibles de satisfaire aux critères de gravité posés par l’Article 1792 du Code Civil pour engager la RC décennale des constructeurs, dans un délai indéterminé.
Il s’agit donc de désordres décennaux futurs et certains dans leur principe, mais pas quant à la date où ils satisferont au critère de gravité.
Sur ce point la jurisprudence de la Cour de Cassation est très claire et stable.
Un désordre constaté dans le délai de 10 ans suivant la réception, sans toutefois présenter les caractéristiques nécessaires pour satisfaire aux critères de gravité posés par l’Article 1792 du Code Civil, n’est susceptible d’engager la RC décennale des constructeurs, que si et seulement si, à dire d’expert, il y satisfera avant le terme du délai de 10 ans.
Contrairement aux règles régissant la responsabilité civile, le caractère futur et certain d’un désordre dans son principe, ne peut donner lieu à réparation à défaut d’un rapport d’expert indiquant qu’il affectera la solidité ou la destination de l’ouvrage avant l’expiration des 10 ans.
Cass Civ 3ème 21 mai 2003, n° 01-17.484 et Cass Civ 3ème 4 Mars 2021 N° 19-20.280
En marchés public en revanche, le Conseil d’Etat fait une lecture atypique de la notion de dommage futur, à ne pas confondre avec la notion de dommage évolutif…, et considère que les désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.
Conseil d’État 09 Novembre 2018 N° 412916 ECLI:FR:CECHR:2018:412916.20181109 Publié au Recueil Lebon
Voyons ensuite la deuxième hypothèse : les désordres évolutifs
Il s’agit d’un désordre dont la demande de prise en charge se situe après l’expiration du délai décennal mais qui est en lien avec un désordre de gravité décennale qui est survenu avant l’expiration du délai de 10 ans.
Le désordre d’origine doit avoir donné lieu à une interruption du délai de forclusion décennale, ouvrant ainsi une nouvelle période de 10 ans au cours de laquelle le propriétaire de l’ouvrage pourra à nouveau mettre en jeu la RC décennale du constructeur au titre du désordre d’origine…
La jurisprudence exige aussi l’établissement d’un lien nécessaire entre les deux désordres, sur la base de critères qui ont évolué avec le temps de manière de plus en plus restrictive, témoignant de la volonté de mettre un frein à la multiplication des décisions des juges du fond admettant la réparation de désordres apparus plusieurs années après l’expiration du délai d’épreuve.
On peut ainsi dégager trois critères :
1er Critère : Une identité de siège des désordres
Les désordres dont il est demandé réparation ne doivent pas être la simple aggravation des désordres d’origine consistant en une extension géographique des désordres initiaux vers d’autres parties de l’ouvrage, telles des corrosions qui après avoir affecté une partie des gardes corps d’un immeuble viendraient à en affecter une autre partie.
Ils doivent trouver leur siège dans la même partie de l’ouvrage qui a été sinistrée à l’origine avant l’expiration du délai décennal.
Si on prend l’exemple des garde-corps, ce sont les mêmes garde-corps qui doivent à nouveau se trouver affectés des mêmes désordres.
Civ 3ème 18 janvier 2006, 04-17.400 ; Cass Civ 3ème 12 mai 2021 N° 19-19.378
2ème Critère : Une identité de nature physique des désordres
On entend ici par nature de désordres, les caractéristiques physiques et techniques : fissurations, infiltrations. Les désordres constatés après l’expiration du délai décennal doivent être de même nature que ceux constatés avant son expiration
Civ 3ème 18 janvier 2006, 04-17.400, Publié au bulletin ;
3ème Critère : Une identité de cause des désordres
Dans un Arrêt de 2018 la Cour de Cassation a paru ajouter le critère d’identité de cause. Le désordre dont il est demandé réparation doit certes affecter la même partie d’ouvrage, mais doit aussi avoir la même cause technique.
Cass Civ 3ème 4 octobre 2018 N°17-23190
Voilà, j’espère vous avoir éclairé quant à la différence entre désordres évolutifs et désordres futurs.
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