Désordres futurs ou la prévision du risque.
Désordres futurs : la boule de cristal des experts judiciaires.
Dans un arrêt du 18 mai 2017, la Cour de Cassation a eu une nouvelle occasion de se prononcer sur la notion de désordres futurs (3ème Civ, 18 mai 2017, n° 16-16006).
Un couple avait confié des travaux de ravalement, menuiserie et zinguerie à une société, par la suite tombée en liquidation judiciaire. Se plaignant de désordres, ils ont sollicité une expertise judiciaire puis assigné en indemnisation l’assureur décennal.
La Cour d’Appel a rejeté leurs demandes au motif que les fissures litigieuses ne rendaient pas l’ouvrage impropre à sa destination et ne compromettaient pas la solidité de l’immeuble.
Cet arrêt est cassé par la Haute Juridiction qui estime que les magistrats d’appel auraient dû s’expliquer sur les conclusions de l’expert judiciaire selon lesquelles les désordres allaient atteindre de manière certaine, avant l’expiration du délai décennal, la gravité requise par l’article 1792 du Code Civil.
La théorie jurisprudentielle des désordres futurs permet ainsi de réparer des dommages qui ne relèvent pas encore de la garantie décennale mais qui bénéficient néanmoins de la présomption de responsabilité de cette dernière dans la mesure où leur gravité se révélera de façon certaine avant l’expiration du délai de dix ans.
Les désordres futurs doivent donc :
- être dénoncés judiciairement dans le délai décennal
- acquérir avec certitude un caractère décennal (atteinte à la solidité ou impropriété à la destination) dans le délai de dix ans
Ils doivent donc être distingués des désordres évolutifs qui eux se sont d’ores et déjà produits dans le délai décennal, mais qui connaissent une évolution au-delà.
On constate alors que le rôle de l’expert dans la détermination des désordres futurs est essentiel : on lui demande donc de prévoir si les désordres donneront lieu avec certitude à un dommage de nature décennale dans le délai prévu par l’article 1792 du Code Civil.
Il importe de préciser que le juge administratif est plus favorable aux maîtres d’ouvrage public puisqu’il accepte d’indemniser les désordres futurs même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans (CE 31 mai 2010 n° 317006, Commune de Parnes).