Dommages immatériels : sont-ils pris en charge par le constructeur tenu par 1792 ?
Dommages immatériels consécutifs à un désordre sur l’ouvrage : le constructeur est tenu à garantie sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil (3ème Civ, 15 février 2024, n° 22-23.179).
Une société a fait construire un immeuble dont elle a vendu les lots à une SCI. Après la réception, le maître d’ouvrage a fait l’objet d’une liquidation amiable. Confrontée à différents désordres, la SCI a assigné le vendeur en réparation, ainsi que ses assureurs de responsabilité décennale.
Si ses demandes au titre de son préjudice matériel ont été accueillies, en revanche sa demande formée au titre des dommages immatériels, à savoir son préjudice de jouissance, a été rejetée.
La SCI a alors formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.
Sur les désordres qui avaient été dénoncés par l’acquéreur, seuls deux avaient fait l’objet d’une indemnisation accordée par la Cour d’Appel, au regard de leur nature décennale. Les premiers Juges avaient donc retenu la responsabilité civile décennale du maître d’ouvrage sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil.
Les magistrats avaient toutefois considéré que la SCI ne rapportait pas la preuve d’un trouble de jouissance, et qu’en tout état de cause, compte tenu du caractère mineur des désordres, aucun préjudice de cette sorte ne pouvait en résulter.
L’arrêt d’appel est cassé par la Haute Juridiction, pour violation de l’article 1792 du Code Civil.
La Cour de Cassation a rappelé que selon ce texte, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Dès lors, tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l’ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de ce texte.
La Cour de Cassation a ainsi reproché aux juges d’appel d’avoir rejeté la demande formulée au titre des dommages immatériels, alors qu’elle avait retenu que deux désordres rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, dont un en raison d’un risque pour la sécurité des personnes. Ce faisant, la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
Il s’agit d’une jurisprudence constante : les dommages immatériels consécutifs à un désordre engageant la responsabilité civile décennale d’un constructeur doivent être pris en charge au titre de ce même régime de responsabilité (3ème Civ, 7 décembre 2023, n° 22-20.699 ; 3ème Civ, 13 juillet 2022, n° 21-13.567).
En revanche, si ce type de dommage immatériel relève de l’article 1792 du Code Civil s’agissant de la responsabilité du constructeur, en revanche il ne dépend pas de l’assurance construction obligatoire mais bien de l’assurance facultative.
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