Dommages intermédiaires : une théorie jurisprudentielle favorable au maître d’ouvrage privé.
Dommages intermédiaires : la réparation post réception des désordres qui n’atteignent pas la solidité de l’ouvrage et qui ne le rendent pas impropre à sa destination.
En droit de la construction, il existait un vide juridique concernant les désordres révélés après la réception et après l’année de garantie de parfait achèvement, qui ne revêtaient pas le caractère de gravité requis pour bénéficier de la garantie décennale.
Les maîtres d’ouvrage ne disposaient alors d’aucun recours face à ces désordres, puisque le régime de la garantie décennale doit s’appliquer à l’exclusion de toute autre régime de responsabilité.
Néanmoins, par un arrêt de 1978, la Cour de Cassation a inauguré la théorie des dommages intermédiaires qui permet au maître d’ouvrage d’obtenir une indemnisation s’il rapporte la preuve d’une faute contractuelle imputable au constructeur (3ème Civ 10 juillet 1978 n° 77-12595).
Les dommages intermédiaires ne bénéficient donc pas de la présomption de responsabilité des garanties légales posées par les articles 1792 et suivants du Code Civil où il suffit de prouver l’existence du désordre, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute.
Il s’agit donc d’un mécanisme juridique plus difficile à faire valider par les juges.
La Cour de Cassation a ainsi rappelé que l’existence de la faute ne pouvait se déduire du seul fait que le résultat contractuellement convenu n’avait pas été atteint (3ème Civ 13 février 2013 n° 11-28376).
Une différence majeure réside également dans le fait que n’étant pas l’une des garanties légales, le constructeur n’a pas l’obligation de souscrire une assurance pour les dommages intermédiaires. Certains assureurs le proposent néanmoins à titre de garantie facultative, ce qui peut être bénéfique tant pour l’entreprise que pour le maître d’ouvrage.
Pour mettre valablement en œuvre la théorie des dommages intermédiaires, il faut donc :
- un désordre caché à la réception
- un désordre qui ne relève ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale ou de parfait achèvement
- une action engagée dans les dix ans à compter de la réception
- la démonstration de l’existence d’une faute contractuelle du constructeur et d’un préjudice en découlant
Ont notamment été retenus comme dommages intermédiaires :
- des coulures affectant un ravalement (3ème Civ 9 février 2000 n° 98-13931)
- un soulèvement de tuiles (3ème Civ 24 janvier 2001, n° 99-12991)
- les désordres affectant les peintures sans atteindre l’étanchéité de l’ouvrage (3ème Civ 3 janvier 2006, n° 04-18507)
Il est à noter que la théorie des dommages intermédiaires ne s’applique pas devant le Juge administratif qui considère pour sa part que les relations contractuelles entre le maître d’ouvrage public et les constructeurs prennent fin avec la réception, faisant ainsi obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle.