Double qualité de l’assureur : veillez à mentionner toutes les polices dans l’assignation !
Double qualité de l’assureur : est irrecevable l’action entreprise à l’encontre d’un assureur de responsabilité décennale lorsque ce dernier n’a été assigné qu’en qualité d’assureur dommages-ouvrage.
La Cour de Cassation vient de le rappeler dans un arrêt du 29 mars 2018 (3ème Civ, 29 mars 2018, n° 17-15042).
Un constructeur avait souscrit deux polices auprès d’un assureur : une assurance dommages-ouvrage, et une assurance de responsabilité civile décennale. Ces deux polices avaient le même numéro.
Suite à des désordres affectant les fondations et le dallage d’une maison édifiée par l’assuré, un expert a conclu qu’en raison de leur importance, il était impossible d’envisager de réparer l’existant et qu’il y avait lieu de démolir pour reconstruire un pavillon identique.
Les maîtres d’ouvrage ont alors assigné le constructeur et son assureur en indemnisation de leurs préjudices.
Or la Cour d’Appel a déclaré irrecevable leur action à l’encontre de l’assurance du constructeur en sa qualité d’assureur de responsabilité civile décennale.
La Cour de Cassation a confirmé la position des juges d’appel. Ils ont relevé que les maîtres d’ouvrage avaient assigné la compagnie en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, sans faire référence à sa qualité d’assureur RCD.
Les magistrats en ont déduit que l’assignation de l’assureur n’avait ainsi pas interrompu le délai de prescription de l’action engagée pour le même ouvrage contre la même compagnie, prise cette fois en qualité d’assureur de responsabilité décennale, et que cette action était prescrite.
La double qualité d’un assureur, qui peut être à la fois assureur dommages-ouvrage et assureur RCD d’une même entreprise, constitue ainsi un piège procédural qui est sanctionné d’une façon constante par la jurisprudence.
Il en est de même lorsque l’assureur détient une double qualité (voire triple ou quadruple) tenant non pas à des polices différentes couvrant le même assuré, mais couvrant des assurés différents.
Dans ce cas, la jurisprudence a depuis longtemps adopté la même position, à savoir que toute demande formulée à l’encontre d’une compagnie d’assurance en une autre qualité que celle pour laquelle elle a été assignée, est irrecevable.
Ainsi, si l’assurance est attraite en qualité d’assureur des société A et B, et qu’il est découvert par la suite qu’elle assure également une société X, toute demande formulée à son encontre en cette nouvelle qualité sera déclarée irrecevable, une nouvelle assignation étant alors nécessaire, à supposer qu’une telle action ne soit pas prescrite (voir notamment 3ème Civ 18 juin 2008n n° 07-13117).