Effet suspensif du référé expertise : il ne s’étend pas à la demande de nullité du contrat.
Effet suspensif du délai de prescription : l’action en référé expertise pour constater des malfaçons ne suspend pas le délai de l’action en nullité du contrat de construction (3ème Civ, 17 octobre 2019, n° 18-19611).
Un particulier avait conclu en 2006 un contrat de construction d’une maison d’habitation avec une entreprise. Ayant constaté de nombreuses malfaçons avant la réception, il avait saisi le Juge des référés en 2009 aux fins de voir désigner un expert judiciaire. L’expert avait déposé son rapport en décembre 2011, et le maître d’ouvrage avait assigné l’entreprise en août 2012 en annulation du contrat, subsidiairement en résolution ou en réparation des désordres.
Le maître d’ouvrage s’était en effet aperçu que son contrat relevait des dispositions protectrices des contrats de construction de maison individuelle, et que l’entreprise aurait dû lui en proposer un, ce qui l’a poussé à solliciter la nullité de la convention conclue.
Devant la Cour d’Appel, la société de construction estimait que l’action en nullité était irrecevable comme étant prescrite, dès lors que le délai de 5 ans, courant à compter de la conclusion du contrat, n’avait pas été interrompu par l’assignation en référé, laquelle mentionnait des désordres et malfaçons et en aucun cas des causes de nullité du contrat.
Les Juges d’appel ont toutefois jugé que l’action en nullité était recevable, sur le fondement de l’article 2239 du Code Civil, qui dispose que :
« La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.«
Au visa de cet article, la Cour d’Appel a estimé qu’il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription, à savoir l’obligation de mentionner des causes de nullité du contrat lors d’une assignation en référé expertise.
Les Juges d’appel ont également considéré que l’expertise était utile à l’appréciation de la demande en nullité du contrat, les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction.
Ainsi, ils ont reconnu un effet suspensif étendu du référé expertise.
Leur position n’a toutefois pas été suivie par la Cour de Cassation.
La Haute Juridiction a estimé que la demande d’expertise ne tendait pas au même but que la demande d’annulation du contrat de construction, de sorte que la mesure d’instruction ordonnée n’avait pas suspendu la prescription de l’action en annulation du contrat.
La Cour de Cassation restreint ainsi considérablement l’effet suspensif du référé expertise, et il convient d’être particulièrement vigilant au cours des différents délais de prescription possibles pour un même dossier.