Fourniture ou choix des matériaux par le maître d’ouvrage : quelles conséquences ?
Bonjour à tous ! Aujourd’hui nous allons aborder le cas où le maître d’ouvrage fournit les matériaux au constructeur ou les choisit, et quelles conséquences cela peut avoir.
On a pu rencontrer notamment dans le domaine des installations photovoltaïques, mais pas uniquement, des sociétés proposant au Maitre de l’ouvrage d’acheter lui-même les matériaux nécessaires à la réalisation des travaux de construction auprès d’une société tierce, tandis que le constructeur pour sa part se contente de les poser.
On trouve aussi des hypothèses où c’est le Maitre de l’ouvrage qui, de son propre chef, impose le choix de ces matériaux au constructeur.
La question est alors posée de savoir si la responsabilité décennale dudit constructeur demeurerait encourue dans les mêmes termes, certains pensant immédiatement à une possible exonération de responsabilité pour immixtion du Maitre de l’ouvrage dans l’acte de construire.
En réalité, il convient de rappeler que dès 1990, dans un arrêt publié, la Cour de cassation a considéré que le fait d’imposer un choix de matériaux et même de le fournir aux constructeurs – il s’agissait de tuiles en l’espèce – n’était pas constitutif d’une immixtion fautive, le Maitre de l’ouvrage ne disposant pas des compétences nécessaires (Cass Civ 3ème 7 mars 1990 N° de pourvoi : 88-14866).
La Cour de Cassation a considéré que « le vice du matériau, même s’il n’était pas normalement décelable à l’époque de la construction, ne constituait pas, en lui-même, une cause étrangère exonératoire pour les constructeurs » et a approuvé les juges du fond d’avoir considéré « qu’il n’était pas établi que le maître de l’ouvrage, qui avait acheté les tuiles, eût été notoirement compétent en la matière ».
Plus récemment en 2019, alors que le constructeur soutenait pour s’exonérer de sa responsabilité, que le fait pour le Maitre de l’ouvrage de lui avoir imposé le choix des matériaux – en l’espèce des dalles – avait fait de lui un véritable Maître d’œuvre, la Cour de Cassation a considéré « qu’ils ne disposaient pas de compétence suffisante pour apprécier la propriété des dalles à la destination prévue, et par une motivation ne permettant pas de caractériser des actes positifs d’immixtion fautive ou de maîtrise d’œuvre imputables aux maîtres de l’ouvrage » (Cass Civ 3ème 19 septembre 2019 N° de pourvoi : 18-15710)
A l’inverse la position sera différente, s’agissant d’un Maitre d’ouvrage notoirement compétent dans le secteur d’activité concernant le matériaux en question – en l’espèce des cloisons séparatives – (Cass Civ 3ème 16 juin 2009 N° de pourvoi: 08-17200)
Il faut rappeler en revanche que si les matériaux en question venaient à périr avant la réception, dans un incendie par exemple, la perte demeurerait sur la tête du Maitre de l’ouvrage, c’est ce qu’énonce clairement l’Art 1789 du Code civil, je cite :
« Dans le cas où l’ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l’ouvrier n’est tenu que de sa faute »
Et ce contrairement à l’article 1788 du Code Civil que nous avons vu dans la vidéo précédente, où la perte en est pour l’ouvrier.
Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un problème de choix des matériaux et non de fourniture, la Cour de cassation traite le problème sous l’angle du devoir de conseil du constructeur.
Elle a considéré en effet qu’il appartenait à l’entreprise, en l’espèce un couvreur, d’exercer son obligation de conseil à propos des matériaux proposés par le Maitre de l’ouvrage ; il s’agissait de tuiles, et la même décision a été reprise à propos d’un parquet (Cass Civ 1ère 20 juin 1995, 93-15.801 – Cass Civ 3ème 15 avril 2021 N° 19-25.748).
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