Le principe de proportionnalité en droit de la construction
Bonjour !
Dans cette vidéo, je vous propose un focus sur le principe de proportionnalité appliqué à la réparation de non-conformités contractuelles.
Vous vous en souvenez peut-être, le principe de proportionnalité entre une faute et une sanction, a tout d’abord été appliqué par la jurisprudence dans les cas de démolition d’un ouvrage pour empiètement.
En ce cas, l’atteinte au droit de propriété par un empiètement, si minime soit-il, conduisait systématiquement à la démolition de l’ouvrage.
3ème Civ, 26 juin 1979, n° 78-10567
A partir de 2015 toutefois, la 3ème Chambre Civile a amorcé un revirement atténuant la rigueur de la position dominante, et a pu refuser la démolition en privilégiant une solution alternative, dans un cas où seul l’enduit de façade empiétait sur le fonds voisin.
3ème Civ, 23 juin 2015, n° 14-11870
Le principe de proportionnalité a ensuite été consacré en 2016, la démolition systématique n’étant plus de mise, arrêt dans lequel la Cour de Cassation a préféré le rabotage du mur pour un empiètement de 0,04 m2.
3ème Civ, 10 novembre 2016, 15-25.113
Désormais, les juges doivent examiner si la démolition n’est pas disproportionnée par rapport à l’empiètement litigieux.
Ce même mouvement jurisprudentiel a été appliqué aux dossiers de nullité des contrats de construction de maison individuelle, et les demandes de remise en état des lieux formées par le maître d’ouvrage ont pu être rejetées par le juge au regard de l’achèvement de l’ouvrage.
3ème Civ, 22 novembre 2018, n° 17-12537
En-dehors des cas d’empiètement ou de nullité du CCMI, le contrôle de proportionnalité a également été utilisé par la Cour de Cassation pour la réparation de non-conformités contractuelles.
Dans un arrêt où des maîtres d’ouvrage avaient assigné le garant de livraison en demandant la « déconstruction-reconstruction » des maisons individuelles et la réalisation des travaux nécessaires à la livraison de maisons strictement conformes aux stipulations contractuelles, la Haute Juridiction a fait application du principe de proportionnalité.
Elle a relevé que les non-conformités étaient soit non établies, soit dénuées de gravité, si bien que la demande de démolition se heurtait au principe de proportionnalité, au regard de l’absence de conséquences dommageables des non-conformités constatées.
3ème Civ, 17 novembre 2021, n° 20-17.218
La jurisprudence admettait ainsi l’exercice d’un contrôle de proportionnalité appliqué aux demandes de démolition et de reconstruction pour autant qu’il s’agisse de demandes formées au titre de l’exécution forcée ou en nature du contrat.
En revanche, jusqu’à cette année, si la demande était présentée sous forme de dommages-intérêts d’un montant égal à la démolition-reconstruction, alors le juge n’était pas tenu de contrôler la proportionnalité.
Dans un arrêt du 6 juillet 2023 publié au Bulletin, ce qui lui donne une importance particulière, la 3ème Chambre Civile est venue rectifier cette différence de traitement dans les droits et obligations des parties.
3ème Civ, 6 juillet 2023, n° 22-10.884
Dans cette affaire, un couple avait confié à un architecte la maitrise d’œuvre complète de la construction d’une maison.
Se plaignant d’un défaut de conformité des hauteurs sous plafond, les maîtres d’ouvrage avaient assigné les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs en sollicitant l’indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l’immeuble.
La Cour d’Appel a accueilli leur demande d’indemnisation, en se déterminant en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles.
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel avec une grande pédagogie, en appliquant pour la première fois le principe de proportionnalité aux demandes de réparation de non-conformités contractuelles sous forme de dommages-intérêts.
Elle rappelle que dans tous les cas, le juge saisi d’une demande de démolition-reconstruction d’un ouvrage, en nature ou sous forme de dommages-intérêts, en raison des non-conformités qui l’affectent, doit rechercher, si cela lui est demandé, s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées.
Cette mouvance jurisprudentielle introduit ainsi un rééquilibrage des rapports entre les parties.
▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬
Venez découvrir les différents domaines d’activités ainsi que les vidéos YouTube de Me Marine VENIN et abonnez-vous à sa chaîne !