Maître d’ouvrage délégué et assurance RCD

maitre d'ouvrage délégué et défaut de souscription de l'assurance
Le 11 février 2025

Maître d’ouvrage délégué et défaut de souscription de l’assurance RCD

Bonjour !

Dans cette vidéo, nous allons aborder ensemble la sévérité accrue avec laquelle la jurisprudence traite la question de l’assujettissement du maître d’ouvrage délégué à la responsabilité civile décennale.

Ce n’est pas la première fois que nous évoquons le sujet au travers de ces vidéos, et il y a un an à peine je vous avais proposé d’examiner comment la qualité de maître d’ouvrage délégué pouvait entraîner le bénéfice de l’assurance DO, si la police le prévoyait, à la lumière d’un arrêt du 7 décembre 2023.

3ème Civ, 7 décembre 2023, 22-19.463

Un an plus tard, la Cour de Cassation a de nouveau traité la question du MOD sous l’angle assurantiel, avec des conséquences lourdes pour le gérant.

3ème Civ, 5 décembre 2024, 22-22.998

Certes l’arrêt n’a pas été publié, mais rien n’empêchera les juges du fond de s’en prévaloir pour fonder leurs décisions à venir.

Avant d’examiner les faits de l’espèce, juste un rappel : on ne peut pas comparer ce qu’il advient des MOD et AMO des marchés privés à ceux des marchés publics.

En droit public, le MOD est, selon le Code de la commande publique, un simple mandataire qui assurera la maîtrise d’ouvrage en lieu et place de la personne publique. Il n’est donc pas un constructeur, si bien qu’il n’est pas éligible à la responsabilité civile décennale et n’est donc pas assujetti à l’obligation d’assurance.

A contrario, l’AMO est, en marché public, un véritable conducteur d’opération qui à ce titre sera soumis à la RC décennale et à l’obligation d’assurance en découlant.

Malheureusement en droit privé, nous ne pouvons pas bénéficier de la même clarté juridique, et le juge devra examiner le contenu du contrat pour trancher la question. Le juge civil n’est pas lié par l’intitulé de la convention et il a un pouvoir de requalification qui peut avoir de lourdes conséquences.

Dans l’arrêt du 5 décembre 2024, les faits étaient les suivants.

Un particulier avait acquis un bien à rénover susceptible de bénéficier d’un dispositif de défiscalisation.

Il avait conclu un contrat avec un architecte, et avait confié les opérations de rénovation à une société, qui par la suite a été placée en liquidation judiciaire. Le particulier avait par ailleurs confié une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée à une autre société.

Confronté à l’apparition après réception de désordres, le particulier a assigné en indemnisation, après expertise, les différents intervenants et leurs assureurs.

Le gérant de la société qui était MOD a vu sa responsabilité personnelle retenue par les juges du fond.

La Cour de Cassation va approuver le raisonnement de la cour d’appel, en retenant que le gérant avait commis une faute intentionnelle constitutive d’un délit, pour ne pas avoir souscrit l’assurance de responsabilité civile décennale obligatoire.

En conséquence, le gérant a engagé sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers, si bien que le créancier peut saisir ses biens propres.

La Cour de Cassation a retenu que l’entreprise s’était vue confier, moyennant la somme de 145.000 €, la mission de superviser le travail de l’architecte et de veiller à la bonne réalisation des travaux, de sorte qu’il pouvait en être déduit qu’elle intervenait sur le chantier en qualité de locateur d’ouvrage, et avait la qualité de constructeur assujetti à l’assurance décennale obligatoire.

Pour un autre motif, l’arrêt d’appel est cassé, mais pas pour la raison qui nous occupe aujourd’hui.

Avant cet arrêt, il était légitime de considérer qu’un MOD chargé seulement de l’accomplissement de tâches précises pouvait échapper à la RCD et donc à l’obligation d’assurance, en l’absence d’obligation de résultat quant à la livraison de l’ouvrage par exemple.

Ne participant pas à la construction de l’ouvrage, il n’y avait donc aucune raison pour que le MOD soit assujetti.

Par cet arrêt du 5 décembre 2024, la Haute Juridiction fait preuve d’une sévérité accrue envers le MOD puisqu’elle élargit son champ d’assujettissement au régime des garanties légales des articles 1792 et suivants du Code Civil.

Il semblait pourtant qu’en l’espèce le MOD avait une mission limitée à certaines tâches : superviser le travail de l’architecte et s’assurer de la bonne réalisation des travaux, sachant qu’il y avait de surcroît sur le chantier un architecte chargé de la maîtrise d’œuvre.

Sévérité également en ce que la Cour de Cassation a appliqué à ce litige sa jurisprudence sur la responsabilité personnelle du gérant de société pour défaut de souscription de l’assurance obligatoire, que nous avons déjà abordée dans une précédente vidéo, qui implique que le gérant devienne responsable sur ses deniers personnels.

Intervenir en tant que maître d’ouvrage délégué sur un chantier peut ainsi s’avérer risquer pour le gérant à la lumière de cet arrêt, et je vous invite vivement à vous reporter aux articles de doctrine parus sur le sujet, notamment celui de la RGDA, pour une analyse plus poussée.

▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬

Venez découvrir les différents domaines d’activités ainsi que les vidéos YouTube de Me Marine VENIN et abonnez-vous à sa chaîne !