Marché à forfait : erreur de métrés, bouleversement de l’économie du contrat et responsabilité du maître d’œuvre.
Le marché à forfait, en droit des marchés privés, est défini de la même façon depuis la promulgation du Code Civil en 1804. L’article 1793 de ce Code dispose ainsi que : « Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.«
Le caractère forfaitaire de ce type de marché doit conduire l’entreprise à prendre en compte dans son prix l’aléa propre à tout chantier, tout en restant compétitive commercialement.
En effet, ni le maître d’ouvrage, ni l’entreprise, ne peuvent remettre en cause le prix du marché à forfait par exemple en alléguant des surestimations ou sous-estimations en quantités ou d’erreurs de calculs. Le maître d’ouvrage ne peut ainsi rabaisser le prix si les travaux prévus ont été effectivement réalisés.
Il n’y a lieu à rémunération supplémentaire que si le maître d’ouvrage commande et accepte des modifications aux travaux.
La seule possibilité d’échapper à la fixité du marché à forfait est de faire constater par le juge un bouleversement de l’économie du contrat, qui permet à l’entrepreneur d’obtenir un supplément de prix. Il doit être rapporté la preuve que les modifications apportées aux travaux sont sans commune mesure avec ceux initialement prévus, déséquilibrant ainsi le contrat (par ex. : augmentation de 80 % par rapport au marché de base).
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 19 janvier 2017 illustre le contentieux propre à la notion de marché à forfait (3ème Civ 19 janvier 2017, n° 15-20846). Une entreprise s’était vue confier des travaux par une SCI, les métrés ayant été réalisés par un maître d’œuvre. Elle avait réclamé tant à l’encontre du maître d’ouvrage que du maître d’œuvre, l’indemnisation de travaux supplémentaires liés à une erreur de métrés.
La Haute Juridiction a considéré :
- qu’il n’était pas démontré qu’il y avait eu, à la demande du maître d’ouvrage, un bouleversement de l’économie du contrat, si bien qu’elle a rejeté les demandes dirigées contre la SCI
- que le caractère forfaitaire du marché n’exonérait pas le tiers au contrat (en l’espèce le maître d’œuvre) de son obligation de réparer le préjudice de l’entreprise si l’erreur commise dans son étude a conduit cette dernière à établir un devis sous-évalué
A défaut de recours contre le maître d’ouvrage, l’entreprise conserve donc une action à l’égard du maître d’œuvre qui a établi les métrés ayant servi de base à l’établissement du prix du marché à forfait.