Bonjour à tous ! Aujourd’hui je vous propose d’aborder la question des non-conformités sans désordre, dont on hésite parfois à déterminer quelle responsabilité elles peuvent engager.
Une non-conformité se diffère d’un vice de construction, appelé aussi dommage ou désordre, qui est une défectuosité de l’ouvrage.
La non-conformité est quant à elle une différence entre la chose livrée et les engagements pris par le constructeur.
Un marché de travaux oblige l’entrepreneur à livrer un ouvrage conforme à ce qui a été convenu, et il y a non-conformité quand le constructeur réalise un ouvrage différent de celui qui était prévu, ce qui entraîne sa responsabilité contractuelle à l’égard du maître d’ouvrage.
La jurisprudence a rapidement décidé que même s’ils avaient comme origine une non-conformité aux stipulations contractuelles, les dommages de la nature et de la gravité de ceux relevant de l’article 1792 du Code Civil, devaient être indemnisés sur le fondement de la garantie décennale et non sur de la responsabilité contractuelle de droit commun (3ème Civ, 13 avril 1988, n° 86-17.824).
En revanche, les défauts de conformité ne portant atteinte ni à la solidité de l’ouvrage ni à sa destination n’engagent pas la responsabilité décennale de l’entreprise, et ne sont pas couverts par l’assureur dommages-ouvrage ou par l’assureur RCD.
Les non-conformités sans désordre sont donc souvent non garanties, et reposent entièrement sur la solvabilité du constructeur.
Une non-conformité par rapport aux engagements contractuels entraîne ainsi la responsabilité contractuelle de l’entreprise, quand bien même il n’y aurait pas de dommage.
Mais qu’en est-il de la non-conformité aux règles de l’art et DTU quand il n’y a pas de désordre ?
Un récent arrêt de la Cour de Cassation a rappelé que si le DTU n’est pas mentionné par le marché de travaux et que la non conformité n’est pas à l’origine de désordre, alors la responsabilité des constructeurs ne peut pas être retenue (3ème Civ, 10 juin 2021, n° 20-15.277).
Les faits étaient les suivants. Une SCI avait entrepris la construction d’une plate-forme logistique à charpente métallique. Après la réception, à la suite d’un orage, une partie de la toiture d’un des entrepôts s’est affaissée.
Le nouveau propriétaire de l’immeuble a alors demandé l’indemnisation de ses préjudices résultant notamment de la non-conformité des toitures.
En appel, les Juges ont retenu la responsabilité civile de droit commun des constructeurs, considérant que le sous-traitant chargé du lot charpente métallique était tenu de livrer un ouvrage conforme aux prescriptions contractuelles et aux règles de l’art et DTU applicables en la matière.
Les magistrats ont estimé que l’ensemble des DTU faisaient partie intégrante des règles de l’art et techniques professionnelles, et étaient opposables aux constructeurs. Dans la mesure où la charpente de l’entrepôt livré s’était révélée non-conforme à un DTU, la responsabilité des constructeurs pouvait être retenue selon la Cour d’Appel.
La Cour de Cassation n’a pas statué dans le même sens que les Juges d’appel.
Se fondant sur les anciens articles 1134, 1147 et 1382 du Code Civil, la Haute Juridiction a énoncé qu’en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui n’étaient pas rendues obligatoires par la loi ou le contrat, ne pouvait donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.
La Cour de Cassation a souligné que le DTU en question n’était pas mentionné dans le marché et n’avait pas été contractualisé, et la non-conformité n’avait été à l’origine d’aucun désordre.
Elle en a déduit que la responsabilité civile des constructeurs ne pouvait pas être engagée.
On peut déduire de cet arrêt qu’une non-conformité sans désordre n’engage pas en principe la responsabilité du constructeur sauf si :
– La non-conformité concerne une stipulation contractuelle
– La non-conformité concerne une norme rendue obligatoire par la loi
Un exemple de ce second point est la non-conformité aux normes parasismiques.
La jurisprudence considère que cette non-conformité constitue un désordre de nature décennale, même en l’absence de dommage, lorsque la réglementation imposant des normes parasismiques s’applique aux travaux litigieux (3ème Civ, 19 septembre 2019, n° 18-16.986).
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