Nouveau recours pour les tiers à un marché public : le Conseil d’Etat modifie le recours en contestation de la validité du contrat.
Nouveau recours ouvert aux tiers par le Conseil d’Etat : dans un arrêt du 30 juin 2017 n°398445, le juge administratif modifie le recours en contestation de la validité du contrat.
Les tiers à un marché public disposent de quatre types de recours :
- le référé précontractuel, qui doit être introduit avant la signature du contrat par les personnes qui ont un intérêt à conclure le contrat ou qui sont susceptibles d’être lésées par un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence
- le référé contractuel, qui peut être introduit une fois le contrat conclu, si le requérant n’a pas exercé de recours précontractuel
- le recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat, introduit par l’arrêt Tropic Travaux du 16 juillet 2007 n° 291545, modifié par l’arrêt Tarn et Garonne du 4 avril 2014 n° 358994, qui ouvre à tous les tiers susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts la possibilité de contester la validité d’un contrat administratif (et non seulement les concurrents évincés) dans les deux mois à compter de la publicité du marché
- le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes détachables postérieurs à la conclusion du contrat, et non contre le contrat lui-même, ouvert aux tiers comme aux cocontractants
Dans son arrêt du 30 juin 2017, le Conseil d’Etat ouvre un nouveau recours de pleine juridiction, en offrant aux tiers la possibilité de contester le refus de l’acheteur de résilier le contrat.
En l’espèce, deux sociétés exploitant le tunnel sous la Manche avaient demandé à la personne publique de résilier un contrat de délégation de service public portant sur l’exploitation d’une liaison maritime. Le Tribunal administratif avait refusé d’annuler le refus implicite du pouvoir adjudicateur. La Cour administrative d’appel avait au contraire enjoint à la personne publique de résilier le contrat (qu’elle avait analysé comme un marché public et non comme une délégation de service public) au regard de la méconnaissance des règles de passation du code des marchés publics.
Saisi d’un pourvoi contre cet arrêt, le Conseil d’Etat ouvre un nouveau recours aux tiers en jugeant que : « Considérant qu’un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat« .
Le Conseil d’Etat précise les seuls moyens que les tiers peuvent soulever dans ce nouveau recours :
- la personne publique était tenue de mettre fin à l’exécution du contrat du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours
- le contrat est entaché d’irrégularité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office
- la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général. Les requérants peuvent ainsi se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général
La Haute Juridiction souligne en revanche que les tiers ne peuvent se prévaloir d’aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise.
Les Juges du Palais-Royal rappellent que le juge du contrat appréciera si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu’il fasse droit à la demande, et n’ordonnera qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat qu’après avoir vérifié que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
Si par cette décision du 30 juin 2017, le Conseil d’Etat ouvre un nouveau recours aux tiers en contestation de la validité du contrat, il n’en déboute pas moins les requérants en l’espèce. Il considère en effet que la seule qualité de concurrent direct sur les liaisons transmanche ne suffit pas à justifier que les sociétés requérantes soient susceptibles d’être lésées dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la poursuite de l’exécution du contrat pour être recevables à demander au juge qu’il y soit mis fin.
Il estime également inopérant le moyen tiré de l’illégalité de la procédure de passation du contrat qui ne peut, comme tel, être invoqué à l’encontre du refus de mettre fin à l’exécution du contrat.
Enfin, le Conseil d’Etat précise que ce nouveau recours est d’application immédiate.