Œuvre architecturale : entre protection et nécessité du service public.
Œuvre architecturale : le Ministre de l’économie et des Finances a récemment répondu à une question de sénateur relative à la limite et la portée du droit moral de l’architecte (Question écrite n° 01025 JO Sénat du 10/08/2017 p. 2552, réponse publiée dans le JO Sénat du 26/10/2017 p. 3329).
Les faits étaient les suivants. Une commune devait réaliser l’extension d’une école construite il y a plus de dix ans, et avait lancé un marché de maîtrise d’œuvre. Or l’architecte ayant réalisé à l’origine l’école, prétendait que celle-ci constituait son œuvre architecturale, et s’opposait à toute atteinte à son intégrité.
La question était de savoir si les prétentions de l’architecte étaient fondées. Dans sa réponse, le Ministère de l’économie a rappelé les principes applicables en la matière.
Les architectes ont certes un droit moral sur leur œuvre. Ce dernier doit néanmoins être concilié avec le droit de propriété du maître de l’ouvrage et les règles d’urbanisme et de service public.
La Cour de Cassation a apporté un compromis entre ces différents intérêts, en faisant appel à la notion de nécessité d’adapter l’œuvre architecturale à des besoins nouveaux.
Ainsi, dans un arrêt en date du 11 juin 2009, la Haute Juridiction a jugé que la vocation utilitaire d’un bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle son propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à des besoins nouveaux.
Les Juges ont précisé qu’il importait néanmoins pour préserver l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du propriétaire, que ces modifications n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnées au but poursuivi (Civ 1, 11 juin 2009, n° 08-14138).
Du côté du Conseil d’Etat,il est fait usage de notions similaires pour préserver l’équilibre des différents intérêts.
Les modifications à l’ouvrage ne sont ainsi admises par le juge administratif que dans la seule mesure où celles-ci sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public, et notamment la destination de l’ouvrage ou son adaptation à des besoins nouveaux (CE 11 septembre 2006, n° 265174).
Il appartient toutefois au maître d’ouvrage qui prétend modifier l’œuvre architecturale de rapporter la preuve que la dénaturation qui lui est ainsi apportée est strictement indispensable et nécessitée par des impératifs précis.
Pour répondre concrètement à la question qui lui était posée, le Ministre de l’économie a conclu que l’école étant un ouvrage public construit pour les nécessités d’un service public, des travaux d’extension pouvaient être valablement réalisés si les conditions jurisprudentielles ainsi rappelées étaient réunies.