Photovoltaïque et article 1792-7 du Code Civil
Bonjour à tous ! Vous êtes nombreux à avoir remarqué un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 21 septembre 2022 à propos du domaine d’application de l’Art 1792-7 du Code Civil et d’une centrale photovoltaïque, et je voulais vous livrer dans cette vidéo quelques observations.
Mais d’abord quelques éléments de contexte.
On sait que lors du vote de la loi du 4 janvier 1978 et contrairement à l’avis d’Adrien Spinetta, l’assurance construction obligatoire a été étendue aux ouvrages de bâtiment industriels et non réservée uniquement à l’habitation.
Il résulte depuis une difficulté récurrente : quel sort réserver aux éléments d’équipement industriels, type entrepôt, usine etc.. ?
Lorsque l’article 1792-7 du Code Civil a été créé par l’Ordonnance du 8 juin 2005, il s’agissait de mettre fin à une divergence de jurisprudence entre deux chambres de la Cour de Cassation sur le sujet.
L’une d’entre elles, la Troisième, considérait que le bon fonctionnement des éléments d’équipements industriels installés dans un bâtiment neuf lors de sa construction ne relevait pas du champ d’application de la loi du 4 janvier 1978.
Ce sont les fameux arrêts sur l’exclusion des machines à soupe pour l’alimentation des porcs ou encore sur un équipement industriel destiné à automatiser la fabrication du champagne.
La Première Chambre quant à elle se montrait à l’époque, en apparence tout au moins, plus libérale sur ce point : ce sont les arrêts considérant que le système de désilage d’un silo à grain était un élément d’équipement éligible à l’assurance construction obligatoire.
L’article 1792-7 a finalement tranché en excluant « les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ».
Compte tenu des enjeux en termes de garantie selon qu’on se trouve ou non soumis au régime de l’assurance construction obligatoire et des clauses types, un débat s’est rapidement ouvert sur le domaine d’application de ce nouvel article à propos des travaux d’installation d’un élément d’équipement industriel sur un existant.
Pourquoi un tel débat ?
Parce que la Cour de Cassation avait admis à plusieurs reprises que l’installation d’un équipement sur un existant pouvait s’analyser en la construction d’un ouvrage, alors que l’Article 1792-7 n’a vocation qu’à exclure les seuls « éléments d’équipement » et non les « ouvrages ». On peut rappeler ainsi les arrêts sur l’installation d’une climatisation dans un entrepôt par exemple.
De fait, le seul arrêt que nous connaissions jusqu’à aujourd’hui, sur l’interprétation de l’Article 1792-7 semblait aller dans ce sens. La Cour de Cassation a jugé que la construction d’une canalisation couverte de 6 km de longueur destinée à relier une centrale de production d’énergie pouvait s’analyser comme la construction d’un ouvrage et à ce titre ne pas relever du champ d’application de l’Art 1792-7.
Civ 3ème 19 janvier 2017 pourvoi N°15-25.283
L’arrêt rendu le 21 septembre 2022 à propos du domaine d’application de l’Article 1792-7 semble en apparence s’inscrire dans cette logique en ce sens qu’il va considérer que cet article ne pouvait pas s’appliquer au dysfonctionnement d’une centrale photovoltaïque installée en surimposition d’un bâtiment existant, en vue de produire de l’électricité destinée à la vente.
Civ 3ème 21 septembre 2022 N° 21-20.433
L’originalité de cette décision se révèle en réalité à la lecture de l’Arrêt d’appel qui énonce que l’installation de la centrale en question s’inscrivait en fait dans la réalisation d’un ouvrage plus vaste : une nouvelle toiture en bac acier, dont elle constituait en réalité un élément d’équipement.
La nouvelle toiture était équipée de panneaux photovoltaïques en surimposition. La Cour d’Appel de Pau a exclu les panneaux par application de l’Article 1792-7, au motif qu’il s’agissait d’un équipement dont la vocation était exclusivement professionnelle.
L’arrêt a cependant été cassé en considération du fait qu’en réalité, les panneaux « participaient de la réalisation de l’ouvrage de couverture dans son ensemble, en assurant une fonction de clos, de couvert et d’étanchéité du bâtiment ».
Par cette acrobatie sémantique, aux termes de laquelle « les panneaux participaient de la réalisation de l’ouvrage» l’élément d’équipement s’efface donc, pour se fondre dans l’ouvrage lui-même, justifiant de ce fait, la non-application de l’Article 1792-7 et l’intégration de l’ensemble dans le champ des garanties légales de responsabilité et donc aussi dans celui de l’assurance construction obligatoire.
On peut relever en effet que par définition, tout élément d’équipement « participe » à la construction de l’ouvrage sur lequel il est installé, ce n’est pas pour autant qu’il cesse d’être un élément d’équipement…
Alors que faut-il en conclure ?
Peut-on en déduire que désormais par application de cet arrêt de cassation publié au Bulletin civil, les désordres affectant une centrale photovoltaïque installée en surimposition sur une toiture existante intègrent le champ d’application de l’assurance construction obligatoire et que l’Article 1792-7 voit son champ d’application définitivement réduit à peu de chose ?
A ce stade il faut demeurer prudent, car l’affaire va de nouveau être plaidée devant la Cour de renvoi et de toute évidence, si la Cour d’appel venait à s’incliner devant l’analyse de la Cour de cassation excluant l’application de l’Article 1792-7, il n’en demeurerait pas moins vrai qu’il s’agit d’une installation de production énergétique qui n’est pas l’accessoire d’un ouvrage soumis, puisque l’électricité est destinée à la vente. Elle se trouverait donc très logiquement exclue du champ d’application de l’assurance construction par application de l’Article L 243-1-1 du Code des assurances.
L’affaire est donc à suivre !
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