Police CNR : est-elle utile pour le promoteur immobilier ?
Police CNR : à quoi sert-elle pour le promoteur ? La question de l’utilité de cette police est récurrente.
En version développée C.N.R signifie « Constructeur Non Réalisateur ». Pour faire simple, il s’agit de couvrir la Responsabilité décennale de ceux qui, bien que ne participant pas à la réalisation de l’ouvrage, sont néanmoins assujettis à la RC décennale par des dispositions spécifiques du Code Civil :
– Pour le Promoteur Vendeur en VEFA, c’est l’Article 1646-1 C Civ.
– Pour le Promoteur Immobilier au sens du Code Civil, c’est-à-dire celui qui passe un contrat de promotion Immobilière avec le propriétaire d’un terrain en vue de faire réaliser la construction d’un immeuble, ce sera l’Art 1831-1 C Civ
La souscription de cette police est obligatoire :
Par le simple fait d’être assujetti à la RC décennale, le promoteur doit aux termes de l’Art L 241-2 C Ass, disposer d’une couverture d’assurance pour couvrir cette responsabilité.
Depuis 2015, le notaire doit faire état dans l’acte de vente, de la souscription de la police CNR, tout comme il le faisait jusqu’alors pour la police Dommages-Ouvrage.
Dans la mesure où les attestations émises au titre des polices RC décennale doivent comporter des mentions minimales, alors que tel n’est pas le cas en Dommages Ouvrage, le promoteur doit donc être en mesure de remettre au notaire une attestation CNR spécifique, distincte de celle concernant la police DO.
Mais quelle est son utilité ? La question est récurrente chez les promoteurs.
La réponse n’est pas évidente, dans la mesure, où en parallèle le promoteur aura souscrit une police Dommages Ouvrage dont la vocation est également de couvrir la réparation des désordres de nature décennale.
Beaucoup pense de ce fait, que la CNR fait double emploi et n’est d’aucune utilité, ce qui est faux pour plusieurs raisons :
1ère raison :
S’agissant de la police Dommages- Ouvrage, une fois la réception prononcée, seul l’acquéreur dispose de la qualité d’assuré car elle suit celle du propriétaire de l’immeuble.
Dans le jargon d’assurance, il s’agit d’une police dite de chose, c’est-à-dire une police qui couvre l’immeuble en lui-même contre un type de désordre défini dans la police.
S’agissant de la police CNR le promoteur dispose pendant les 10 années suivant la réception de la qualité d’assuré, mais il s’agit cette fois de couvrir non pas la chose en elle-même, mais la responsabilité décennale qu’il pourrait encourir, à propos de la construction qu’il a fait réaliser.
Concrètement la garantie sera mobilisée s’il était recherché à la suite d’un sinistre allégué comme étant de gravité décennale, mais ayant donné lieu à un refus de garantie opposé amiablement par l’assureur DO.
L’assureur en ce cas, assure la direction de la procédure, et prend en charge la défense et les frais de défense du promoteur.
2ème raison :
Le propriétaire de l’immeuble livré est informé d’un sinistre de gravité décennale, quelques semaines avant l’expiration du délai d’un an après la réception. Il tarde à mettre en demeure l’entreprise de réparer dans le cadre de la Garantie de Parfait Achèvement et déclare finalement le sinistre à l’assureur DO en deuxième année sans être en mesure de justifier d’une mise en demeure faite au constructeur.
L’assureur DO, à tort, mais malheureusement très fréquemment, lui opposera un refus de garantie, bien qu’il s’agisse d’un désordre de gravité décennale, prenant en compte non pas la date de déclaration du sinistre, mais la date de sa survenance, en raison du fait que le sinistre étant survenu en première année, l’assuré aurait dû préalablement à sa déclaration mettre le constructeur concerné en demeure de procéder aux réparations avant de déclarer le sinistre.
Dans ce cas le propriétaire pourrait évidemment s’engager dans un long contentieux contre l’assureur DO en vue de démontrer que selon une jurisprudence constante, les formalités applicables en matière de sinistre DO sont celles à la date de déclaration du sinistre et non de sa survenance.
Mais il pourrait aussi préférer une voie plus rapide et choisir d’assigner son vendeur. Dans ce cas l’assureur CNR devra intervenir et couvrir la réparation des désordres au titre de la mise en jeu de la RC décennale de son assuré promoteur.
3ème raison :
Dans le cadre d’une police CNR, le point de départ de la courte prescription de deux années dite prescription biennale de l’article L 114-1 du Code des assurances, qui éteint tous les droits de l’assuré une fois ce délai écoulé, n’est pas le même qu’en police Dommages Ouvrage.
– En police DO : le délai est décompté à partir de la connaissance du sinistre par l’assuré ou bien encore de la désignation d’un expert par l’assureur.
Imaginons des pourparlers avec l’assureur DO qui se prolongent notamment pour le chiffrage des réparations, pendant les deux années suivant le jour où l’expert a été désigné par l’assureur.
Si l’assuré n’adresse pas pendant ce délai, un courrier recommandé à l’assureur pour exiger l’indemnisation du sinistre, l’assureur pourra au final, lui opposer la prescription et donc la perte de tous ses droits à garantie.
Il n’aura alors d’autre solution que de se retourner contre son vendeur pour mettre en jeu sa responsabilité décennale, lequel déclarera alors le sinistre à l’assureur CNR.
– En police CNR : Aucune prescription n’aura commencé à courir, même si le sinistre date de plus de deux ans, car le point de départ est ici fixé à la date de mise en cause judiciaire de l’assuré.
La police CNR devra donc financer le paiement des réparations et exercer ses recours, sans pouvoir mettre en œuvre les dispositions de la Convention de Règlement de l’Assurance Construction qui a normalement vocation à faciliter les recours entre assureurs.
Nous avons donc passé en revue les raisons qui font que la souscription d’une police CNR n’est pas sans intérêt pour un promoteur.