Réception tacite : est-elle caractérisée en cas de résiliation amiable des marchés ?
Réception tacite : elle suppose une volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage. La Cour de Cassation a eu tout récemment à s’interroger sur l’existence d’une telle volonté du maître d’ouvrage lorsque les marchés de construction avaient fait l’objet d’une résiliation amiable (3ème Civ 18 mai 2017 n° 16-11260).
La troisième Chambre Civile a statué au visa de l‘article 1792-6 du Code Civil qui dispose que : « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.« .
Parfois, une réception expresse, par l’établissement d’un procès-verbal de réception, n’intervient pas. Dans cette hypothèse, la réception tacite peut être retenue en présence de certains indices qui permettent au juge de considérer qu’il existe une volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner.
Ces indices sont souvent constitués par la prise de possession de l’ouvrage et le paiement de la quasi-totalité du prix des travaux.
Dans l’arrêt commenté, un maître d’ouvrage avait entrepris des travaux de restructuration de son appartement. A peine trois mois après le début du chantier, il avait résilié amiablement les marchés et payé les travaux réalisés. Le maître d’ouvrage avait emménagé dans les lieux en l’état, sans qu’un procès-verbal de réception ne soit signé.
Six ans plus tard, le maître d’ouvrage a assigné le maître d’œuvre et les entreprises en expertise judiciaire et en indemnisation.
La Cour d’Appel a rejeté la demande de constatation de la réception tacite en retenant que le maître d’ouvrage avait mis fin unilatéralement aux travaux puis avait décidé de vivre dans un chantier inachevé et dangereux pendant six ans (sans cuisine, sans porte, même pour les toilettes, sans garde-corps). Elle a également relevé que le maître d’ouvrage n’avait jamais sollicité l’intervention d’une réception et n’avait protesté que six ans après l’occupation par elle des locaux sans formuler aucune réserve.
L’arrêt est néanmoins infirmé sur ce point par la Cour de Cassation qui souligne que le maître d’ouvrage avait pris possession de son appartement et avait payé le montant des travaux déjà réalisés, indices permettant de présumer sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage.
L’enjeu est ici de permettre, en retenant la réception tacite, la mise en jeu de la garantie décennale, et non de la seule responsabilité contractuelle qui n’aurait pas permis de rechercher la garantie des assureurs.