Répartition des risques avant réception : l’article 1788 du Code Civil
Bonjour, pour cette vidéo je vous propose d’aborder la question de la répartition des risques avant réception, traité par l’article 1788 du code civil, qui s’apprête à révisé plus de deux siècles après son instauration.
La question de la réparation des dommages à l’ouvrage avant réception est souvent traitée par la mise en jeu des polices Tous Risques Chantier quand le Maitre de l’ouvrage est un professionnel.
Mais qu’en est-il en l’absence d’une telle police, principalement lorsque le Maitre d’ouvrage est un particulier ?
Ou encore qu’en est-il, s’il s’agit d’un professionnel dont la police TRC est arrivée à son terme sans qu’il ait accompli les formalités nécessaires pour prolonger les garanties jusquà la fin du chantier ?
La question est réglée par un article encore assez méconnu bien qu’il n’a jamais été modifié depuis 1804 mais dont la rédaction a quelque peu vieillie, c’est l’article 1788 du Code Civil, je cite :
« Si, dans le cas où l’ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d’être livrée, la perte en est pour l’ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose. »
Par deux arrêts tout récents en date du 25 mai 2022, la Cour de cassation semble être revenue à l’esprit du texte d’origine après quelques circonvolutions passées un peu déroutantes :
+ Dans un premier arrêt elle indique que l’expression « Si l’ouvrage vient à périr » ne suppose pas la perte totale de l’ouvrage : un sinistre partiel suffit pour justifier l’application de cet article. (Cass Civ 3ème 25 mai 2022 Pourvoi n° 21-15.883)
Quoi de plus normal en vérité : jusqu’à la réception, le débiteur de l’obligation de construire doit prendre en charge la perte des matériaux utilisés pour exécuter les travaux qu’il s’est engagé à réaliser.
On retrouve là le caractère composite du contrat de louage d’ouvrage qui pour partie, participe de la vente, en ce sens que le constructeur fournit des matériaux sur lequels il va effectuer un travail.
Il est donc assez logique que jusqu’à la livraison de la chose il supporte les risques de sa perte à l’instar d’un vendeur.
Assez curieusement cependant, dans un arrêt de 2015, la Cour de Cassation s’était laissé allée à dire le contraire, dans un arrêt assez déroutant (Cass Civ 3ème 16 septembre 2015 N° de pourvoi: 14-20392).
+ Dans un second arrêt, les juges vont là encore en revenir aux fondamentaux. (Cass Civ 3ème 25 mai 2022 Pourvoi n° 21-18.098).
L’article 1788 du Code Civil n’est pas un texte établissant une réponsabilité qui pèserait sur les entrepreneurs, mais un texte qui traite de la répartition des risques, justement en-dehors de toute recherche de responsabilité.
Il en résulte donc qu’il importe peu que l’origine du sinistre, un incendie en l’espèce, se situe dans une faute de l’entrepreneur ou dans un cas de force majeure : la réparation demeure à la charge du débiteur de l’obligation de construire en tout état de cause.
Cette obligation n’est donc pas sérieusement contestable, et il importe peu qu’une expertise soit en cours en vue de déterminer l’origine : le maître de l’ouvrage peut donc tout à fait réclamer aux entrepreneurs, en dehors de toute recherche de responsabilité, la restitution par provision du prix des travaux qu’ils n’étaient pas en mesure de livrer.
Là encore, en 2016 la Cour de Cassation s’était laissée aller à dire le contraire (Cass Civ 3ème 13 octobre 2016 N° 15-23430)
On ne peut dès lors que s’étonner que dans l’avant projet de réforme du contrat de louage d’ouvrage qui vient d’être mis en ligne sur le site internet du Ministère de la justice, on propose de revenir sur le texte de l’article 1788, pour le transformer en un texte édictant une responsabilité dont l’entrepreneur pourrait s’exonérer en cas de force majeure.
C’est donc une affaire à suivre…
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