Retenue de garantie dans les marchés privés
Bonjour !
Je suis ravie de vous retrouver pour aborder le mécanisme de la retenue de garantie dans les marchés de travaux.
C’est la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 qui l’a instauré, et contrairement à une idée reçue, la retenue de garantie n’est pas automatique puisqu’elle y est présentée comme étant optionnelle : la loi dispose que les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés « peuvent » être amputés d’une retenue égale au plus à 5 % de leur montant.
La retenue de garantie doit donc être contractuellement prévue pour être applicable. Si aucune clause du marché ne la prévoit, alors le maître d’ouvrage ne pourra pas s’en prévaloir.
En revanche, une fois qu’elle fait partie des prévisions du contrat, la loi de 1971 s’applique totalement, puisqu’étant d’ordre public, de sorte qu’aucune disposition ou arrangement ne peut faire échec à ses dispositions, ainsi que l’énonce l’article 3 de la loi.
Le but de la retenue de garantie est de protéger le maître d’ouvrage, puisqu’il ne règle pas la totalité des acomptes en retenant une somme équivalant à 5 % maximum de leur montant.
Ainsi, en cas de réserve à la réception, le maître d’ouvrage dispose comme moyen de contrainte d’une retenue de 5 %.
Si ce mécanisme bénéficie au maître de l’ouvrage, ce dernier se voit tout de même imposer des obligations.
Premièrement, il ne peut pas conserver sur ses comptes la somme représentant la retenue de garantie : la loi lui fait obligation de consigner les 5 % entre les mains d’un consignataire, lequel est choisi d’un commun accord par les deux parties, ou à défaut est désigné par le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce.
Ainsi le constructeur est certain que cette somme est disponible, à défaut d’être exigible, et la jurisprudence sanctionne le défaut de consignation du maître de l’ouvrage par la libération de la retenue de garantie, même en l’absence de levée des réserves.
3ème Civ., 18 décembre 2013, n° 12-29.472
De même, le constructeur peut solliciter en référé la condamnation sous astreinte du maître de l’ouvrage à opérer cette consignation, et s’il parvient à démontrer un préjudice, il serait susceptible de solliciter des dommages-intérêts.
Deuxièmement, le maître d’ouvrage a une obligation de restitution.
Selon l’article 2 de la loi de 1971, à l’expiration d’une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, les sommes consignées sont versées à l’entrepreneur, même en l’absence de mainlevée, si le maître de l’ouvrage n’a pas notifié au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l’inexécution des obligations de l’entrepreneur.
L’opposition abusive entraînant d’ailleurs la condamnation du maître d’ouvrage à des dommages-intérêts, et les intérêts légaux sur la somme consignée commencent à courir, en l’absence d’opposition du maître de l’ouvrage, à compter de la demande de versement des sommes consignées.
3ème Civ., 13 avr. 1988, n° 86-18.899
Ainsi, le maître d’ouvrage doit libérer les sommes consignées :
– en cas d’absence de réserves
– si les réserves ont été levées
3ème Civ., 9 févr. 2000, n° 98-15.139
3ème Civ., 22 oct. 2013, n° 12-29.199
A défaut pour le maître d’ouvrage de faire opposition à la déconsignation avant l’expiration du délai d’un an, il doit automatiquement libérer la retenue de garantie, même en l’absence de levée des réserves.
C’est seulement en s’opposant par écrit auprès du consignataire et de façon motivée à la libération de la retenue de garantie que cette dernière peut être conservée au-delà du délai légal d’un an.
Il est intéressant de noter que la jurisprudence permet de cumuler une garantie à première demande de bonne fin, qui vise l’exécution par le constructeur des travaux jusqu’à la réception, d’une part, et une retenue de garantie de la loi de 1971 d’autre part, garantissant quant à elle l’exécution des travaux liés aux réserves à réception.
3ème Civ., 17 juin 2015, 14-19.863
Par ailleurs, la loi permet le remplacement de la retenue de garantie par une caution personnelle et solidaire, qui émanerait d’un établissement financier : cela permet à l’entreprise de gérer au mieux sa trésorerie.
De la même façon, sans opposition justifiée du maître de l’ouvrage avant l’expiration du délai d’un an, la caution est libérée de ses obligations.
La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser dans un arrêt tout récent du 11 janvier 2023, en réponse à une banque qui énonçait que la caution ne pouvait être utilisée que s’il y avait eu une réception des travaux, que d’une part, la loi ne distinguait pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, et que d’autre part, le délai à l’expiration duquel la caution est libérée ne pouvait commencer à courir avant la date de la réception.
3ème Civ., 11 janvier 2023 n° 21-11.053
Voilà, j’espère vous avoir éclairé sur ce mécanisme dont bénéficient les maîtres d’ouvrage !
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