Risque sanitaire et impropriété à destination
Risque sanitaire encouru par les occupants : il peut, par sa gravité, caractériser à lui seul l’impropriété à destination de l’ouvrage, même s’il ne s’est pas réalisé dans le délai de dix ans (3ème Civ, 14 septembre 2023, n° 22-13.858, publié au Bulletin).
Dans cette affaire, une SCI et un promoteur ont entrepris en 2007 la construction de 150 logements, qui ont été vendus en l’état futur d’achèvement.
Postérieurement à la réception intervenue en 2009, le syndicat des copropriétaires s’est plaint de désordres affectant l’installation d‘eau chaude sanitaire. Il a alors assigné les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs en expertise, puis en indemnisation.
Ayant obtenu leur condamnation, l’assureur du sous-traitant du lot plomberie (en liquidation judiciaire) a formé un pourvoi en cassation.
Dans un premier temps, l’assureur soutenait tout d’abord que le désordre étant apparent lors de la réception, et non réservé, la responsabilité civile décennale des constructeurs n’avait pas lieu d’être.
La Cour de Cassation n’a pas validé son raisonnement, et a retenu que les maîtres de l’ouvrage, qui n’étaient pas des professionnels de la construction (les promoteurs étant des professionnels de l’immobilier), n’avaient pas pu déceler le désordre lors de la réception. La manifestation de ce désordre, à savoir un temps anormalement long pour obtenir de l’eau chaude, ne pouvait pas être décelée par un profane.
Le caractère caché des désordres permettait donc de mobiliser la responsabilité civile décennale.
Dans un second temps, l’assureur soulevait le fait que la Cour d’Appel n’avait pas constaté que le risque sanitaire encouru, à savoir le développement de légionelles, s’était réalisé ou était susceptible de se réaliser dans le délai de dix ans.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi en estimant que le risque sanitaire encouru par les occupants d’un ouvrage pouvait, par sa gravité, caractériser à lui seul l’impropriété de l’ouvrage à sa destination, même s’il ne s’était pas réalisé dans le délai d’épreuve.
Les magistrats ont relevé que la longueur des tuyaux d’eau chaude sanitaire entre les gaines palières et les points de puisage était non-conforme aux règles sanitaires puisque supérieure à dix mètres. L’augmentation de la quantité d’eau contenue dans ces tuyauteries favorisait en effet le développement de légionelles.
Même si le risque de légionellose n’avait pas été démontré au cours des dix ans suivant la réception, le risque sanitaire auquel les habitants se sont trouvés exposés rendait l’ouvrage impropre à sa destination, d’où la mobilisation de l’assureur décennal.
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