Sècheresse et immeubles de moins de 10 ans
Bonjour à tous, aujourd’hui nous allons aborder ensemble quel est le traitement des effets de la sécheresse sur les ouvrages réceptionnés depuis moins de 10 ans.
Les sécheresses sévères connues depuis quelques années n’ont pas été sans conséquence sur la stabilité des ouvrages, entrainant parfois des désordres graves touchant à la solidité des bâtiments résultant de phénomènes de retraits et de gonflement de sols argileux notamment.
Pour le traitement de ce type de sinistre on peut envisager deux possibilités.
La première possibilité à laquelle on pense, consiste bien évidemment à déclarer le sinistre au titre de la police multirisques couvrant l’immeuble. Cela suppose cependant le respect d’un certain nombre de conditions.
Premièrement, un arrêté de Catastrophe naturelle doit avoir été pris dans le périmètre où se trouve le bâtiment et la demande d’indemnisation doit intervenir dans les 10 jours suivant la publication de l’Arrêté.
Deuxièmement, les dommages pour lesquels est sollicitée l’indemnisation de l’assureur doivent avoir eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, comme l’énonce l’article L 125-1 du Code des assurances.
Le caractère déterminant du rôle causal de l’agent naturel dans la survenance des désordres est une condition de la garantie du risque de catastrophe naturelle qu’il appartient à l’assuré d’établir. La publication de l’arrêté ne saurait à cet égard constituer une présomption.
Cass Civ. 2ème, 15 décembre 2011, n° 10-27 564.
Troisièmement, si une catastrophe naturelle doit être la cause déterminante des dommages, pour que soit mise en œuvre l’assurance des catastrophes naturelles, il n’est toutefois pas nécessaire qu’elle en soit la cause exclusive.
Par exemple il a été jugé qu’en dépit du vice de construction affectant les fondations du bâtiment sinistré, qui ne disposait pas à l’origine d’un complexe de fondations le mettant à l’abri des mouvements du sol, le fait que l’aggravation importante de la fissuration de ses murs et cloisons était survenue dans le mois ayant suivi l’épisode caniculaire d’une exceptionnelle intensité de l’année 2003, pouvait néanmoins permettre d’établir le caractère déterminant de l’agent naturel.
Cass Civ. 2ème, 29 mars 2018, ° 17-15 017.
A l’inverse, à propos de l’effondrement d’un mur de soutènement, il a été jugé que la garantie de la police multirisques n’était pas due au titre des catastrophes naturelles dans la mesure où, je cite, « l’épisode pluvieux qui avait donné lieu à la publication d’un arrêté de catastrophe naturelle n’avait été qu’un élément révélateur et déclencheur des insuffisances de la construction de ces murs et que la cause déterminante du sinistre n’était pas la survenance d’un phénomène climatique exceptionnel, pouvant être qualifié de catastrophe naturelle » Cass Civ 3ème, 14 février 2019, 17-31.083
L’autre possibilité à laquelle il est parfois renvoyé notamment pour le cas où il est fait état du fait d’un vice de construction qui aurait en réalité été la cause déterminante du sinistre, consiste à mettre en jeu les garanties obligatoires en matière d’assurance construction.
Il s’agira alors pour autant que l’immeuble ait été réceptionné depuis moins de 10 ans de mettre en jeu des garanties obligatoires de la police Dommages Ouvrage, voire des polices RC décennale des constructeurs.
Dans cette hypothèse, et bien qu’en principe la responsabilité décennale demeure encourue, même en raison d’un vice du sol, le débat juridique portera sur la question de savoir si la sécheresse ne pourrait pas constituer une cause étrangère exonératoire de responsabilité décennale ou justifiant l’application de l’exclusion de garantie figurant à ce titre dans les Dommages Ouvrage.
La justification de ce raisonnement tiendra au fait qu’un évènement postérieur à la construction, imprévisible et irrésistible est venu perturber la résistance mécanique du sol.
Cass Civ 3ème 18 décembre 2001 N° 00-13.807
Le fait que la sécheresse ait fait l’objet d’un Arrêté de catastrophe naturelle ne saurait à lui seul justifier qu’on est en présence d’une cause étrangère : Cass Civ 3ème 18 décembre 2001 N° 00-13.807
Il convient pour cela de satisfaire aux critères qui ont toujours été posés par la jurisprudence.
Ainsi, l’intensité du phénomène naturel constatée par Arrêté ne permettra pas de satisfaire au critère de l’irrésistibilité et même d’extériorité s’il est démontré par exemple qu’une étude préalable du sol aurait permis de prévenir le sinistre.
Cass Civ 3ème 28 novembre 2001 N° 00-14.320 ou 27 juin 2001 N° 00-13.112
Le critère de l’imprévisibilité est quant à lui strictement exigé.
Cass Civ 3ème 30 mars 1994 N° 91-14.814
Sur ce point, malgré quelques errements dans le passé ayant consisté parfois à faire l’impasse sur la question de « l’imprévisibilité » pour ne prendre en compte que le caractère « irrésistible » en raison du strict respect par les constructeurs des mesures qui s’imposaient,
Cass Civ 3ème 26 mars 2014 N° 13-10.202
Nous disposons aujourd’hui d’un texte très précis sur la force majeure qui cite l’imprévisibilité au rang des trois conditions cumulatives auxquelles un évènement doit satisfaire pour être considéré comme un élément de force majeure exonératoire de responsabilité ou de garantie, et c’est l’article 1218 du Code Civil.
Je cite :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur »
Dès lors qu’un phénomène identique a pu être observé par météo France dans le périmètre de la construction, on ne pourra donc considérer que le phénomène était imprévisible et entrainer de ce fait l’exonération de responsabilité ou l’exclusion de garantie en police Dommages Ouvrage au titre de la cause étrangère.
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