Subrogation impossible et fait fautif de l’assuré
Bonjour à tous ! Aujourd’hui je vous propose d’examiner un cas de déchéance de garantie découlant d’une subrogation impossible de l’assureur dommages-ouvrage en raison du fait fautif de son assuré.
Selon l’article L. 121-12 du Code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
L’assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l’assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur.
Vous savez que l’assuré DO dispose d’un délai de deux ans suivant sa déclaration de sinistre pour assigner l’assureur dommages-ouvrage après son refus de garantie, même au-delà du délai décennal.
Toutefois, cette possibilité peut se retourner contre l’assuré s’il est considéré comme fautif pour avoir privé l’assureur DO de son droit à subrogation.
Un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 25 mai 2022 l’a encore rappelé (Chambre civile 3, 25 mai 2022, 21-18.518).
En l’espèce, une assurance DO avait été souscrite dans le cadre de la construction d’une maison individuelle.
La réception était intervenue le 8 février 2004, et une déclaration de sinistre avait été effectuée en janvier 2012. Le 12 mars 2012, l’assureur DO avait notifié un refus de garantie, et ce n’est qu’à la veille de l’expiration du délai de deux ans, soit le 11 mars 2014, que le maître d’ouvrage avait assigné la DO en référé expertise.
Devant les Tribunaux, la DO avait opposé à son assurée l’exception de subrogation découlant de l’article L. 121-12 du Code des assurances, estimant que son recours contre les constructeurs avait été rendu impossible en raison de la tardiveté de l’action du maître d’ouvarge.
Les Juges d’appel ont pourtant condamné la DO à indemniser le maître d’ouvrage de diverses sommes au titre des travaux de reprise.
Ils ont retenu que l’assurée avait déclaré le sinistre à l’assureur dans un délai lui permettant de prendre une position de garantie ou de non-garantie en toute connaissance de cause, puis d’exercer son recours subrogatoire contre les constructeurs et que c’était l’inaction de l’assureur DO, et non la délivrance de l’assignation en référé aux fins d’expertise postérieurement à l’expiration du délai décennal, qui avait empêché la subrogation de s’opérer.
Les Juges d’appel ont également souligné que l’assureur DO disposait d’éléments lui permettant d’anticiper cette assignation puisque l’assurée avait maintenu ses réclamations et avait fait organiser une expertise amiable à laquelle la DO avait été convoquée.
La Cour d’Appel avait également estimé, à tort, que l’assureur DO, même non encore subrogé, était en droit d’assigner en responsabilité les constructeurs dans le délai de la garantie décennale s’il indemnise l’assuré avant que le juge ne statue.
Cet arrêt d’appel est cassé par la Cour de Cassation, qui rappelle le principe selon lequel l’assureur qui refuse sa garantie ne peut agir contre les responsables à titre subrogatoire ou les appeler en garantie avant d’avoir été lui-même poursuivi.
Dès lors, l’assureur DO n’était en l’espèce pas privé de ses recours par son inaction, mais bien par le fait de l’assuré, à qui il appartenait d’assigner l’assureur dans un délai lui permettant d’appeler les responsables en garantie ou, à défaut, d’assigner lui-même ces responsables pour préserver les recours de l’assureur.
Cet arrêt rappelle qu’il ne faut pas jouer avec le 10 + 2, au risque de se voir déclarer fautif et de subir une déchéance de garantie de la part de l’assureur DO.
Toutefois, tous les cas d’assignation de la DO au-delà du délai décennal, rendant impossible son recours contre les constructeurs, ne relèvent pas nécessairement d’un fait fautif de l’assuré. Par exemple, quand le délai d’action expire seulement un mois après le refus de garantie, la Cour de Cassation estime que la subrogation impossible ne relève pas d’un fait fautif de l’assuré (3ème Civ, 31 mars 2004, 01-16.847).
Pour bien comprendre la différence, comprenez que dans le premier cas, le délai de recours contre les constructeurs expirait près de deux ans après le refus de garantie, justifiant la qualification de fait fautif de l’assuré, tandis que dans le second cas, le délai de recours expirait seulement un mois après le refus de garantie, l’assuré n’ayant alors lui-même que très peu de temps pour être diligent à l’égard des constructeurs, de sorte qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir assigné la DO après l’expiration de ce bref délai.
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