Travaux d’étanchéité : leur caractère limité s’oppose à l’application de la garantie décennale.
Travaux d’étanchéité : malgré des infiltrations, la Cour de Cassation rejette dans un arrêt toute responsabilité de l’entreprise, qu’elle soit décennale, contractuelle ou fondée sur l’obligation de conseil (3ème Civ, 28 février 2018, n° 17-13478).
Une société industrielle a commandé des travaux d’étanchéité des chéneaux de la toiture d’un de ses bâtiments, avec remise en état des vitrages. Alléguant l’existence d’infiltrations, le maître d’ouvrage a assigné le constructeur et son sous-traitant, ainsi que leurs assureurs, en expertise puis en indemnisation.
Ses demandes ont été rejetées par la Cour d’Appel, et la société a formé un pourvoi en cassation.
La Troisième Chambre Civile a rejeté l’ensemble des moyens présentés par le maître d’ouvrage, écartant ainsi toute responsabilité de l’entreprise.
En premier lieu, la Cour de Cassation a confirmé que les travaux d’étanchéité litigieux ne pouvaient pas bénéficier de la garantie décennale, dès lors qu’ils étaient d’une importance modeste, sans incorporation de matériaux nouveaux à l’ouvrage.
Les Juges ont souligné que lesdits travaux correspondaient à une réparation limitée dans l’attente de l’inéluctable réfection complète d’une toiture à la vétusté manifeste, et ne caractérisaient pas un élément constitutif de l’ouvrage.
La Haute Juridiction a donc approuvé la Cour d’Appel qui en a déduit que les travaux ne constituaient pas un ouvrage (pour un rappel de cette notion voir cet article) et qu’il convenait d’écarter l’application du régime de responsabilité décennale institué par l’article 1792 du Code Civil.
En deuxième lieu, le maître d’ouvrage a tenté d’obtenir la condamnation du constructeur sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à défaut de pouvoir obtenir sa garantie décennale.
L’expert judiciaire avait constaté que les fuites provenaient de l’absence d’étanchéité aux jonctions entre les vitrages et les chéneaux. Or les travaux litigieux n’ont pas porté sur ces espaces, si bien que les magistrats ont estimé que les fuites étaient sans lien avec les travaux prévus au devis et exécutés.
Cette position a été confirmée par la Cour de Cassation, qui a rejeté le moyen et a écarté la responsabilité contractuelle de l’entreprise.
En dernier lieu, la société industrielle s’est efforcée de voir sanctionner le devoir de conseil de l’étancheur.
Elle a pour cela souligné le fait que le constructeur avait limité son intervention à la seule réfection de l’étanchéité des chéneaux et vitrages, sans lui recommander d’autres solutions ni l’aviser des risques induits par le fait de s’en tenir aux prestations définies dans le devis.
La Cour de Cassation a toutefois relevé que le maître d’ouvrage disposait d’un service de maintenance et qu’il connaissait l’état de grande vétusté de la couverture, dont les fuites alléguées n’étaient que la conséquence manifeste.
La Haute Juridiction a conclu qu’ayant fait intervenir l’étancheur pour de simples réparations, le maître d’ouvrage ne pouvait prétendre que son attention aurait dû être attirée sur la nécessité de faire davantage de travaux.
Les magistrats ont ainsi estimé que le manquement de l’entreprise d’étanchéité à son devoir de conseil n’était pas démontré.
En cela, la Cour n’a pas suivi les conclusions de l’expert judiciaire, qui avait reproché au constructeur de n’avoir pas recommandé de faire aussi des travaux au niveau de cet espace de liaison entre les vitrages et les chéneaux.
En résumé, le maître d’ouvrage n’est pas parvenu à engager la responsabilité de l’entreprise, sur quelque fondement que ce soit, et cela est assez rare pour être souligné.
Bien sûr, cet arrêt ne peut être généralisé à tous les travaux d’étanchéité, et la position de la Cour de Cassation n’est applicable qu’aux faits d’espèce.
Toutefois, on peut se demander si cet arrêt n’est pas un assouplissement de la posture de la Juridiction Suprême relative au devoir de conseil des constructeurs.