Trouble anormal de voisinage : le maître d’oeuvre est-il responsable des nuisances sonores ?
Trouble anormal de voisinage : les dommages doivent être imputables au maître d’oeuvre pour obtenir sa condamnation (3ème Civ, 14 mai 2020, n° 18-22564).
En vue de la construction de l’auditorium de Bordeaux, le maître d’ouvrage a fait réaliser un groupe d’immeubles, de parking souterrain et de logements, sous la maîtrise d’oeuvre d’une société d’architectes.
Des travaux de démolition, de fondations spéciales et de pose de renforts métalliques ont eu lieu.
En cours de chantier, le syndicat des copropriétaires d’un immeuble voisin, se plaignant notamment de nuisances sonores, a obtenu après expertise, une indemnisation du maître d’ouvrage, sur le fondement de la théorie du trouble anormal du voisinage.
Cette théorie a été consacrée par la jurisprudence selon laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage« , fondée sur le droit de propriété instauré par l’article 544 du Code Civil.
Grâce à cette notion, les voisins peuvent rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage, si les troubles excèdent les inconvénients normaux de voisinage.
En l’espèce, suite à sa condamnation au profit du voisin, le maître d’ouvrage a appelé en garantie les constructeurs et leurs assureurs, et notamment le maître d’oeuvre.
Il soutenait que l’architecte, chargé d’une mission globale d’organisation et de suivi des travaux, était responsable de plein droit du trouble anormal de voisinage causé par les travaux.
Ses demandes ont été rejetées par la Cour d’Appel. Les Juges ont en effet estimé que le maître d’oeuvre n’avait pas commis de faute et qu’il n’était pas à l’origine des bruits excessifs.
De surcroît, les Juges ont souligné que l’architecte avait constamment rappelé aux entreprises qu’elles devaient travailler durant les heures légales, soit du lundi au samedi de 7 heures à 20 heures.
Le maître d’ouvrage a alors formé un pourvoi, mais n’a pas eu plus de succès.
La Cour de Cassation a en effet rappelé que le maître d’ouvrage, subrogé dans les droits des voisins victimes de trouble anormal de voisinage, ne peut agir contre ses constructeurs que si les troubles subis sont en relation de cause directe avec la réalisation des missions qui leur ont été confiées.
La Haute Juridiction a estimé que l’architecte n’était pas à l’origine des bruits excessifs ayant causé aux riverains un préjudice, ce dont il résultait que les dommages ne lui étaient pas imputables.
Les demandes formées contre le maître d’oeuvre au titre du trouble de voisinage résultant des nuisances sonores ont ainsi été rejetées.