Troubles anormaux du voisinage : la responsabilité de l’entrepreneur principal peut être écartée.
La théorie des troubles anormaux du voisinage a été créée par la jurisprudence pour défendre le droit absolu de propriété, consacré par le Code Civil à l’article 544 : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.« .
Grâce au postulat de principe « Nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage », il est permis de rechercher la responsabilité d’un voisin en cas de dommage causé à sa propriété, sans avoir à prouver de faute mais simplement le lien de causalité et le caractère anormal du préjudice.
Les troubles anormaux du voisinage ont connu de nombreuses applications en droit de la construction : apparition de fissures sur l’immeuble voisin suite à la démolition des existants, poussières, nuisances sonores… Il s’est alors posé la question de savoir qui était responsable de ces troubles anormaux du voisinage : le maître d’ouvrage des travaux, l’entrepreneur principal ou les sous-traitants.
Avant un revirement de jurisprudence initié en 1998, seul le maître d’ouvrage voyait sa responsabilité recherchée par la victime, puisqu’il était juridiquement son seul voisin. Puis, par la qualification de « voisin occasionnel« , la responsabilité de l’entrepreneur principal a pu également être engagée. Le maître d’ouvrage des travaux qui a indemnisé la victime, bénéficie ainsi d’une action récursoire envers les constructeurs, sans avoir non plus à prouver leur faute.
La Cour de Cassation est ensuite allée plus loin en précisant que la responsabilité de l’entrepreneur principal pouvait ne pas être retenue s’il n’avait pas causé lui-même le dommage (3ème Civ, 21 mai 2008, n° 07-13769).
Un arrêt rendu récemment par la Haute Juridiction est venue confirmer le fait que l’entrepreneur principal qui a sous-traité la totalité des travaux ne peut pas être condamné au profit du propriétaire voisin lésé ni du maître d’ouvrage (3ème Civ, 19 mai 2016, n° 15-16248). En effet, dans cette hypothèse, le « voisin occasionnel » est le sous-traitant et non l’entreprise principale, dans la mesure où il est le seul à avoir effectivement réalisé les travaux ayant causé les désordres.
La Cour d’Appel avait retenu la responsabilité du locateur d’ouvrage pour troubles anormaux du voisinage au motif qu’il avait lui-même choisi son sous-traitant et qu’il lui appartenait de surveiller les travaux et d’en contrôler la bonne exécution. La Cour de Cassation écarte cette argumentation et rappelle que la qualité de voisin occasionnel suppose une présence effective sur le chantier.
Il convient néanmoins de préciser que la non présence sur le chantier ne prémunit pas immanquablement contre une action, puisque la jurisprudence estime que la responsabilité des architectes et bureaux d’étude peut être recherchée, si la preuve d’un lien de causalité entre le dommage et leurs missions est rapportée (3ème Civ, 9 février 2011, n° 09-71570).