Vente de l’immeuble et indemnité dommages-ouvrage
Bonjour !
Aujourd’hui nous allons aborder le sort de l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrage en cas de vente de l’immeuble.
Il résulte de l’article L. 242-1 du Code des assurances que le bénéfice de l’assurance dommages-ouvrage se transmet aux propriétaires successifs.
Il dispose en effet que la dommages-ouvrage est souscrite par toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs.
Pendant longtemps, la Cour de Cassation a retenu que c’était le propriétaire au moment du sinistre qui avait droit à l’indemnité d’assurance.
Cette ancienne solution menait à des situations peu satisfaisantes puisque le vendeur recevait l’indemnité alors que c’était l’acquéreur qui souffrait des dommages.
De plus, l’obligation d’affecter l’indemnité aux travaux réparatoires n’était pas respectée.
La Cour de Cassation a par la suite opéré un revirement pour estimer qu’en cas de vente de l’immeuble, c’était l’acquéreur qui bénéficiait de l’indemnité d’assurance.
3ème Civ, 15 septembre 2016, n° 15-21.630
Dans cette affaire, un propriétaire avait effectué une déclaration de sinistre suite à des dégradations, et l’assureur lui avait proposé une indemnité.
Postérieurement, l’immeuble a été vendu. L’acquéreur avait alors réclamé l’indemnité, qui lui a été refusée par l’assureur dommages-ouvrage. Les premiers Juges ont donné raison à l’assurance, mais la Cour de Cassation ne les a pas suivis.
Elle a considéré que sauf clause contraire, seul l’acquéreur d’un immeuble a qualité à agir en paiement des indemnités d’assurance à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage, même si la déclaration de sinistre a été effectuée avant la vente de l’immeuble.
Vous le voyez, l’acquéreur d’un bien dispose donc de droits à l’égard de la dommages-ouvrage. Mais l’inverse peut-il être vrai ? L’assureur DO bénéficie-t-il de droits opposables à l’acquéreur ?
Dans un arrêt du 13 avril 2023, la Cour de Cassation a répondu par l’affirmative.
3ème Civ 13 avril 2023 N° n° 19-24.060
Dans cet arrêt, une SCI a fait construire une maison vendue en l’état futur d’achèvement à un couple, et un contrat d’assurance dommages-ouvrage a été souscrit.
Confrontés à des désordres affectant un mur de soutènement, le couple a assigné l’assureur DO, qui a été condamné à leur verser une provision de 175.000 € à valoir sur le coût des travaux de reprise.
Par la suite le couple a vendu la maison.
L’assureur a alors assigné l’acquéreur aux fins de remboursement d’une partie des sommes versées et qui n’avait pas été affectée aux travaux de réparation.
L’acquéreur a effectivement été condamné à rembourser par les Premiers Juges, et a formé un pourvoi, qui a été rejeté par la Cour de Cassation.
La Haute Juridiction a relevé que l’acquéreur s’était vu consentir une réduction du prix de vente équivalente à l’indemnité versée aux vendeurs par l’assureur DO.
Aux termes de l’acte de vente, le vendeur avait déclaré que l’assureur lui avait versé la somme de 175 000 euros mais qu’il n’avait pas fait exécuter les travaux, qui restaient à la charge de l’acquéreur, ce que celui-ci acceptait expressément.
Il ressortait de cet acte que l’indemnité d’assurance avait été transférée à l’acquéreur, qui était donc tenu d’effectuer les travaux pour laquelle elle avait versée.
La Cour de Cassation a estimé que l’assureur pouvait invoquer à son profit la situation créée par le contrat, et que l’acheteur ayant acquis la qualité d’accipiens à l’égard de l’assureur, il devait lui restituer les indemnités non affectées à la réparation de l’ouvrage.
C’est donc en utilisant le mécanisme du paiement de l’indu que la Cour de Cassation reconnaît à l’assureur DO un droit opposable à l’acquéreur, dans l’hypothèse où le montant de l’indemnité versée à son vendeur a été déduit du prix de la vente.
Cette déduction transfère à l’acquéreur la qualité d’accipiens, c’est-à-dire celui qui reçoit, en l’occurrence l’indemnité d’assurance.
On voit donc bien que si l’acquéreur bénéficie de droits à l’égard de l’assureur dommages-ouvrage, il lui incombe également les obligations en découlant, à savoir l’affectation de l’indemnité aux travaux réparatoires, telle que prévue à l’alinéa 4 de l’article L. 242-1 du Code des assurances.
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